Pierre Hantaï a beau vouloir rester un musicien discret, après ses succès dans Bach et Scarlatti, son nouvel enregistrement, le premier de musique française comme soliste, le pousse à nouveau sous les projecteurs. Après la sublime déposition musicale de Blandine Rannou recueillie par le label Zig-Zag Territoires en 2003, François Couperin est donc une nouvelle fois honoré par l’un de nos plus talentueux clavecinistes. Il suffit d’écouter sa musique pour comprendre que pour nos spécialistes, ce n’est pas un choix tacite, mais un véritable manifeste. Né en 1668 au sein d’une dynastie de musiciens, il a porté « l’Art de toucher le clavecin » à un niveau jusqu’alors jamais atteint en France. Cet instrument sera d’ailleurs l’objet de toute son attention, comme en témoignent les 240 pièces qu’il lui dédicacera et parmi lesquelles, aujourd’hui, Pierre Hantaï vient faire son marché. Avec des titres tout aussi beaux qu’énigmatiques, ces petits formats musicaux sont, sous ses doigts avisés, autant de messages poétiques adressés à l’auditeur. C’est ainsi que L’Évaporée apparaît « très légèrement », Les Fauvettes Plaintives gazouillent « très tendrement », tandis que Le Carillon de Cithère tinte « agréablement, sans lenteur », et que La fidélité, sous le Domino bleu se raconte « affectueusement ». Des plus extravertis aux plus mélancoliques, ces délicieux tableautins qui se succèdent engendrent un réel sentiment de volupté et une grande fraîcheur. De plus, à tous ceux qui pensent que le clavecin est un instrument ferraillant aux timbres aigrelets, Nicolas Bartholomée et Alessandra Galleron, en ingénieurs expérimentés qu’ils sont, apportent un démenti cinglant. Pour tout mélomane, qu’il soit audiophile ou non, la musique pour clavier de François Couperin ne pourra plus jamais être citée sans qu’il soit fait référence à ce disque, car désormais, elle passe par son méridien.

T. HERVÉ - 02/2008