Culturellement façonné par l’art, et par l’opéra en particulier, l’écrivain Romain Rolland notait à propos d’Acis et Galatea : « Ce petit chef-d’œuvre de poésie et de musique, où se déroulent les tableaux riants et élégiaques de la belle légende sicilienne, est d’une perfection classique, que Haendel n’a jamais dépassée. » Mi-opéra, mi-oratorio, ce masque fut la seule œuvre dramatique publiée du vivant du compositeur. Elle fut aussi, avec Le Messie, l’une des plus jouées. Si le premier acte prend volontiers des allures vaporeuses et bucoliques – Acis et Galatea ne sont-ils pas un couple d’amoureux ? – le deuxième, comme on peut s’en douter, baigne dans une atmosphère bien plus tourmentée. En dépit d’un effectif instrumental assez réduit (une douzaine de musiciens), l’histoire tient toutes ses promesses. Les cinq solistes s’impliquent dans leurs personnages avec force et conviction. Aussi, grâce à la perspicacité de John Butt, l’auditeur ne peut qu’adhérer à la formule proposée. Cadences croustillantes, incantations vocales épiques, transparence de la texture chorale, tout est réuni pour que l’auditeur passe un moment mémorable. De plus, comme si cela ne suffisait pas, Philip Hobbs, l’ingénieur du son, nous gratifie d’une prise de son remarquable ; pour Linn, l’honneur est sauf. Voilà donc une partition exceptionnelle placée entre des mains d’artistes qui ne le sont pas moins. La conjugaison des forces en présence se traduit par un enregistrement de toute beauté. Malheureusement, les textes du livret sont en anglais ; c’est bien là son seul défaut.

T. HERVÉ - 04/2009