Parfois, dans le flot des parutions et alors que leurs programmes ne laissent rien supposer d’extraordinaire, certains disques vous comblent au-delà de tous les espoirs. Celui-ci en est une parfaite illustration, car si Haydn a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de la musique, les œuvres présentes ne sont généralement pas de celles que l’on cite en exemple de son talent. Pourtant, dans un style bien lissé, ces deux concertos pour clavier nous réservent de très jolis moments musicaux. Requérant un effectif presque chambriste, l’orchestre, essentiellement des cordes, enveloppe l’instrument soliste d’un drapé doux et soyeux. Très harmonieuse et délicate, l’écriture établit un équilibre subtil entre les parties, le tout se faisant sans heurt et sans violence. Pour son interprétation, Ewald Demeyere a préféré le clavecin au pianoforte ; un choix qui donne à ces pièces du début de la seconde moitié du XVIIIe siècle une légère connotation post-baroque, ce dont personne ne se plaindra. Quant au Divertimento en fa majeur, plus cossu, il profite du soutien d’une section d’instruments à vent qui épaulent à merveille la formation initiale. De toute évidence, c’est une partition qui a réclamé à son auteur un travail plus profond et, bien qu’antérieur aux pièces sus nommées, son style y est plus reconnaissable et s’approche sensiblement de celui qui administrera quelques années plus tard son œuvre symphonique. Là encore, force est de constater que même au sein d’une production cataloguée d’anecdotique, la magie que pratique Haydn mérite toujours nos applaudissements, d’autant qu’ici, les interprètes entrent dans son jeu sans aucune hésitation. Spontanéité, plénitude, souplesse et beauté du son, sont autant de qualités dispensées par une Petite Bande qui transforme ces « œuvrettes » en d’authentiques chefs-d’œuvre, cela avec la complicité d’un ingénieur du son qui transporte l’auditeur sur les lieux mêmes de l’enregistrement. Alors, prêts pour la grande illusion ?

T. HERVÉ - 06/2008