Ils étaient environ deux cent mille à l’accompagner ce 17 juillet 1857 lors de ses funérailles nationales, mais rares sont ceux qui, aujourd’hui, connaissent Pierre-Jean de Béranger. Figure incontournable de la Comédie humaine du XIXe siècle, ce poète-chansonnier considéré par son ami Chateaubriand comme « l’un des plus grands que la France ait jamais produits », méritait bien que le destin le sorte de l’oubli. En cela, l’initiative entreprise par Arnaud Marzorati est à considérer comme un acte de mémoire de l’une des tranches les plus populaires de notre culture, et, par la même occasion, comme l’une des réalisations discographiques les plus intéressantes du moment. Avec un piano et un harmonium pour compagnons, il investit ces chansons avec une diction et une justesse de ton impressionnantes et pleinement rendues par la prise de son d’Hugues Deschaux. À ceux qui auraient pu craindre un trop grand conformisme vocal, le baryton répond par un sens de la comédie qui colle à merveille aux sujets dénoncés par Béranger. Dans un élan cocardier, il en épouse la fibre révolutionnaire et les orientations anticléricales, alternant avec une grande habileté les couplets persifleurs, revanchards ou romantiques. Aussi, si Pierre-Jean de Béranger n’est pas l’inventeur du genre pamphlétaire, il est incontestablement celui de la chanson à texte. Avec ses allures de cabaret, voici donc un disque très séduisant ; en marge de nos répertoires habituels, comme pour mieux le remarquer.

T. HERVÉ - 12/2008