À en croire Francesco Rognoni, redoutable instrumentiste italien du début du XVIIe siècle, la viole bâtarde serait la reine de tous les instruments. Ce qui est certain, c’est qu’après avoir écouté ce double album, l’idée ne viendrait à personne de proclamer le contraire. Fondamentalement, la viola bastarda n’est pas un instrument à part entière, mais en l’occurrence une viole de gambe à six cordes, dont la taille se situe entre la viole ténor et la basse de viole et accordée selon une méthode permettant d’élargir son champ d’action. Dans un style emprunté aux joueurs de luth, l’étendue de ses capacités lui autorise ainsi des improvisations en forme de diminutions (sorte d’ornementation), les simples mélodies se parant alors de magnifiques broderies. Qu’elle joue seule, sobrement accompagnée d’une harpe et d’un clavecin ou étoffée d’un consort de violes, elle reproduit bien l’élégance que l’on attribue habituellement à sa famille instrumentale. Placée entre les mains expertes de Roberto Gini, lui-même entouré d’habiles musiciens, elle vole d’un registre à l’autre avec une stupéfiante agilité. Comme en atteste cette magnifique réalisation, si la Renaissance italienne lui a offert un riche substrat, c’est avec le courage qui caractérise bien souvent les petits éditeurs que le label Olive Music lui donne aujourd’hui les moyens de s’exprimer. Bien que ces disques intéresseront en premier chef les amoureux de la viole, ils ne manqueront pas de captiver un public beaucoup plus large, sensible à l’art de la séduction et à l’harmonie. Un achat hautement recommandable.

T. HERVÉ - 12/2007