Quel cruel destin que celui d’Antonio Vivaldi : avoir composé Les Quatre Saisons et mourir dans le dénuement et oublié de tous ! Paradoxe des époques, aujourd’hui il serait un homme riche et adulé,car ces pièces thématiques comptent parmi les plus populaires du répertoire classique auprès du grand public, le nombre d’enregistrements à notre disposition en atteste. J’en possède deux autres qui auraient mérité leurs places ici, mais c’est tout naturellement vers celle de Gidon Kremer que mon choix s’est porté. Tout d’abord pour l’heureuse idée de l’alternance avec Les Quatre Saisons de Buenos Aires d’Astor Piazzolla, même s’il n’existe aucune connexion entre l’archi médiatique tube vivaldien et les miniatures ignorées du compositeur argentin. Ensuite pour son interprétation, sobre, dépoussiérée, presque tzigane et, contre toute tendance, pas du tout baroque. Enfin, pour sa prise de son exceptionnelle. Aussi, ne vous fiez pas à son contenant bien sobre et monochrome. Son contenu est à l’opposé. C’est pétillant et enivrant comme un « Brut Impérial » de Moët et Chandon. À son écoute, les cheveux se dressent sur la tête et de délicieux frissons sillonnent l’échine. Jamais auparavant vous n’aurez ressenti cette musique si souvent vulgarisée avec un tel plaisir et une telle intensité. Et c’est peu dire.
T. HERVÉ - 02/2004