C’est au facteur Bernard Aubertin que l’on doit le nouvel orgue de l’église Saint-Louis-en-l’Île, à Paris. Inauguré en 2005, c’est un instrument qui reprend les principes sonores de ceux qui étaient utilisés par les grands maîtres de l’orgue du nord de l’Allemagne, un style qu’affectionnait tout particulièrement J. S. Bach, et qui sera particulièrement utile à son art. Organiste titulaire à Saint-Louis-en-l’Île, c’est donc à domicile que Benjamin Alard a enregistré le cycle des Sonates en trio, des pièces parmi les plus admirables, mais aussi parmi les plus périlleuses écrites par le Cantor de Leipzig. Si ce disque nous laisse penser que ce jeune musicien dispose d’une marge de progression – comment pourrait-on être parfait à vingt-quatre ans ? – il nous permet surtout d’apprécier un capital technique et artistique déjà considérable. La résistance de son toucher implique des tempos qui ne sont pas particulièrement vifs, d’où, parfois, la sensation d’une légère retenue ; si l’on tient compte de la complexité de la partition, nous appellerons cela de la prudence. L’avantage, c’est de pouvoir pénétrer la musique dans toute sa profondeur, l’illusion du dialogue à trois (les deux claviers plus le pédalier) prenant alors une dimension vraiment impressionnante. La diversité des plans, la profondeur de champ, la texture des sonorités et l’éclairage des contrastes sont tels que c’est l’émotion qui domine la technique, et non l’inverse. De la même manière – la captation d’Hugues Deschaux nous le rappelle sans cesse –, l’interprétation de Benjamin Alard préserve l’essence même de l’instrument, à savoir sa nature phonique. La variété de ses registres trouve place dans un espace adéquat, sa résonnance maintenant l’auditeur dans un état constant d’attention et d’admiration. Ce disque n’est peut-être pas celui par lequel l’œuvre pour orgue de Bach doit être abordée – quoique –, toutefois, le discophile qui y a déjà ses habitudes trouve en lui l’un de ses motifs d’écoute favoris.
T. HERVÉ - 11/2009