Pas facile à cerner, cette musique. Mystérieuse et méditative, contemplative et poétique, imaginative et visionnaire, elle est tout à la fois. Œuvre majeure du XVIIe siècle, les Sonates du Rosaire de Biber forment l’un des recueils les plus originaux jamais écrits. Composé de quinze sonates pour violon et basse continue et d’une passacaille pour violon seul, c’est un exemple marquant de musique à programme : celui des mystères (au sens religieux du terme) de la vie de la Vierge Marie. Composée vers 1674 et dédiée au Prince-Archevêque de Salzbourg, c’est une création, au premier abord, plutôt austère et déroutante, mais qui déborde d’inventivité. Animé par une audacieuse volonté, Biber emploie la scordatura, un procédé particulier qui consiste à modifier l’accord traditionnel des cordes du violon selon la propre nature de chaque sonate. Inutile d’insister sur les redoutables difficultés que cela représente pour l’interprète. Cependant, c’est en véritable virtuose des cordes que Monica Huggett s’accommode de ces géniales divagations. Tout en repoussant les limites de l’interprétation, son jeu se situe à la frontière du réel et du fantastique, là où l’humain se rapproche le plus du divin. Disposant d’un ensemble instrumental acquis à sa cause, elle fait étalage de couleurs et de sonorités jusqu’alors insoupçonnées. La prise de son fait aussi figure de référence. Les timbres sont purs et parfaitement différenciés. La musique se développe dans une belle acoustique à la réverbération de circonstance. Pas facile à cerner, certes, mais quelle prodigieuse leçon de violon !

T. HERVÉ - 12/2007