En 2005, à trente-trois ans, bien décidée à reprendre sa carrière en main, la pianiste américaine Simone Dinnerstein enregistre à compte d’auteur les Variations Goldberg de Bach. Sous le charme, le label Telarc lui propose en 2007 de publier son enregistrement. Dès lors, les événements s’enchaîneront très vite : des critiques très favorables, la signature d’un contrat, des dates de concerts à travers le monde, puis un nouveau disque. Bien sûr, les médias étant sensibles aux belles histoires, on pourrait suspecter une certaine forme d’indulgence, mais l’écoute de ses Goldberg nous révèle qu’il n’en est rien. Avec une identité de style qui n’appartient qu’aux musiciens de caractère, cette énième lecture du chef-d’œuvre de Bach s’inscrit dans la droite ligne des dernières interprétations de Glenn Gould. Comme lui, elle vit la partition plus qu’elle ne la joue. Finement brodée, à la manière d’une dentelle, l’Aria laisse transparaître des émotions jusqu’alors rarement exprimées avec autant de douceur et d’humilité. De même que la Variation 15, la lenteur de certaines sections repose sur une conception mûrement réfléchie et non d’une simple stratégie. Mais là ne s’arrête pas sa recherche de l’excellence. Aussi, lorsque le rythme des marteaux sur les cordes se fait plus pressant, le trouble subsiste avec la même impression d’éternité. Remarquablement enregistrées sur un instrument de très belle facture – un grand Steinway de concert de 1903 –, ces Variations Goldberg ont quelque chose d’ensorcelant et d’intemporel. Puissions-nous les écouter aussi souvent qu’elle les joue.
T. HERVÉ - 10/2008