Artiste éclairé et gambiste émérite, Paolo Pandolfo porte à notre connaissance l’un des volets les plus passionnants du répertoire dédié à son instrument qu’il m’a été donné d’entendre. Alors que les disques de Carl Friedrich Abel ne sont pas de ceux qui encombrent les bacs des disquaires – remémorons-nous quand même le très bel enregistrement réalisé par Susanne Heinrich, en 2007, pour le label Hyperion –, ce disque a pour ambition de nous rappeler quel fut ce prodigieux musicien. Issu d’une lignée de violistes, il devint l’un des plus célèbres de son temps. Après avoir étudié un certain temps à Leipzig auprès de Jean-Sébastien Bach, et après avoir exercé ses talents à la cour de Dresde, c’est à Londres que se déroula le plus gros de sa carrière. Alors qu’en cette seconde moitié de XVIIIe siècle son instrument était jugé comme « has-been », de nos jours, ses sonorités rondes et profondément humaines – quasiment maternelles – captivent de plus en plus l’attention des mélomanes. En cela, ce n’est pas l’écoute de ce splendide album qui risque de contrarier la tendance. Écrites à la croisée des chemins, ces pièces sont bien plus qu’un ultime salut ; elles constituent un réel manifeste à la gloire d’un art intime, constamment disposé à apporter à l’auditeur une enveloppe sonore douce et sereine. Les six cordes de la viole de Pandolfo délivrent une interprétation chargée d’inventivité et de sérieux, d’où ressort une implication émotionnelle de bon goût. Présentées avec un luxe d’attention – quelle qualité de timbres ! –, elles résonnent de telle sorte que même après quatre-vingts minutes, l’oreille en redemande. Plus de deux cents ans après son déclin, voilà un instrument qui ne finit pas de faire parler de lui.
T. HERVÉ - 07/2009