À l’origine, ces cantates, aux textes et aux styles aussi divers que variés, furent composées pour des voix de castrats soprano et obligeaient la convocation d’un nombre impressionnant de musiciens. Bien évidemment, de nos jours, les castrats ont disparu et les contraintes budgétaires ne permettent plus ce genre de munificence. Aussi, pour pallier ces impératifs contextuels, Reinhard Goebel a-t-il choisi de s’entourer d’une voix médiane, celle d’Anne Sophie von Otter. Doté d’un effectif orchestral plus compact, quoique très respectable, en l’occurrence celui du Musica Antiqua Köln, le chef allemand transforme instantanément toutes frustrations en satisfactions. Bien que la cantate d’église Il pianto di Maria soit considérée à juste titre comme la pièce principale de ce disque, les trois autres l’accompagnent dans le même constat d’admiration. L’antienne Haec est Regina virginum d’ouverture de programme est concise, mais son impact émotionnel est aussi grand que sa rareté. Également original, l’air Ah ! che troppo ineguali adopte un ton plus dramatique qui sied à merveille aux accents de velours de la cantatrice. L’orchestre est lui aussi admirable : précision et beauté des timbres sont au rendez-vous. Déjà jugé excellent à sa sortie, ce disque paru en 1994 semble se bonifier avec le temps, un peu comme un grand vin. Ou bien serait-ce dû à un phénomène d’accoutumance ?
T. HERVÉ - 04/2007