Décidément, Laurent Korcia est abonné aux instruments de prestige. Alors qu’à dix-huit ans, il jouait sur le Guarnerius de Paganini, c’est sur le « Zahn », un Stradivarius de 1719 qui fut confié jadis à Shlomo Mintz, qu’il aborde ce programme dédié au violon de l’Europe centrale. Ce merveilleux instrument lui offre une puissance supplémentaire, mais aussi une sonorité plus « poussée », due à une large palette de couleurs. Tout prodigieux soit-il, il faut au soliste beaucoup de maestria pour en extraire toute la force, et même s’il est le prolongement direct du musicien, il est aussi révélateur de son état psychique. Et c’est justement sur ce point que Laurent Korcia s’affirme. D’un tempérament frondeur, son jeu ne manque pas de caractère. Dans ces pièces virtuoses, il exprime l’étendue de sa technique et de son inspiration, tout en s’adaptant à l’esprit de chacune d’entre elles. Nigun de Bloch, Tzigane de Ravel sont certes au prorata de ses compétences, mais c’est dans la Sonate d’Enesco et dans celle de Janacek qu’il impressionne le plus. Un peu plus dans l’ombre, le piano de Georges Pludermacher ne déçoit pas pour autant, et même s’il se fait voler la vedette, sa caution musicale reste sincère. Capté avec l’habituelle efficacité que l’on reconnaît à Jean-Marc Laisné, ce disque devrait rapidement trouver une place dans vos paniers avant qu’il ne soit retiré du catalogue. Après, il sera trop tard !

T. HERVÉ - 10/2007