Déjà distingué en 2006 suite à un magnifique enregistrement de quatuors de Franz Xaver Richter (voir ici), l’ensemble Rincontro nous revient avec un disque qui s’affirme être l’une des plus belles dépositions sonores attestant l’éminence de la musique de chambre de Haydn. Les trios pour baryton sur lesquels ils fondent leur argumentation ont été composés pour satisfaire à la demande du Prince Nikolaus Esterhazy, lui-même grand amateur dudit instrument : une sorte de viole de gambe, disposant derrière son manche de plusieurs cordes métalliques qui vibraient par sympathie avec les cordes frottées, ou actionnées par le pouce de l’instrumentiste. Sonnant de cette façon une octave au-dessus de sa tessiture originelle, le baryton se substituait, pour ainsi dire, au violon ; ce dernier reprenant la main pour cet enregistrement. Si l’on tient compte de la facture de ces petits chefs-d’œuvre, nos interprètes ont dû prendre certainement beaucoup de plaisir à les jouer, car l’écoute dénonce clairement un sens de l’équilibre difficile à atteindre. Parfaitement soumis aux flux émotionnels de partitions qui confèrent souvent à la méditation et parfois même au recueillement, leur interprétation s’adapte à une musique subtile et contrastée. À la faveur d’un jeu soigné jusque dans les moindres détails, les timbres sont d’une pureté exemplaire, tout à la fois sensuels, profonds, harmonieux et aériens. Légers, mais jamais frêles. C’est ainsi que les allegros sont joyeux et particulièrement roboratifs, tandis que les mouvements lents nous ménagent des moments plus poétiques, à l’élégance teintée d’humilité. Passer à côté de ce disque serait une grave erreur, car si Haydn nous enseigne la différence qu’il existe entre l’art et le divertissement, Pablo Valetti, Patricia Gagnon et Petr Skalka nous éclairent sur ce qui distingue les artistes des musiciens.

T. HERVÉ - 09/2008