Musique pour soliste pour la moitié, musique concertante pour l’autre, ce disque consacre la rencontre de l’une des grandes figures de la vie musicale française de la seconde partie du XIXe siècle et d’un interprète qui compte parmi les étoiles montantes actuelles de l’univers du piano. Après avoir tiré profit de son indubitable technique dans Liszt et Mendelssohn, c’est vers la musique pour piano de César Franck que Bertrand Chamayou s’est tourné pour son troisième enregistrement. Son programme rassemble donc l’œuvre pour piano seul et l’œuvre pour piano et orchestre du célèbre organiste de l’église Sainte-Clotilde. Outre la confirmation des impressions ressenties à l’écoute de ses précédentes réalisations, il nous apporte la preuve qu’il a parfaitement assimilé l’esthétique franckiste. Contrairement aux idées visionnaires de son contemporain Franz Liszt, la musique de César Franck s’appuie d’abord sur l’héritage du passé, tout particulièrement sur celui de Beethoven, ce qui ne l’empêchera pas de contribuer grandement à l’évolution du langage musical de son époque. Dans un style qui doit autant à l’élégance qu’à la spiritualité, il accorde au romantisme une place importante, mais pas tout le temps prépondérante. Puissant dans un catalogue chromatique et mélodique d’une richesse insoupçonnée, son inspiration évolue sans cesse entre l’incertitude et l’assurance, quand ce n’est pas entre la tension et la passion. Quant au  jeu de Bertrand Chamayou, on pourrait dire qu’il nait de la symbiose entre ses émotions et sa raison. Jouées avec une grande perfection instrumentale – Olivier Latry et le Royal Scottish National Orchestra y étant largement associés –, toutes les atmosphères qui font le charme de la musique de Franck sont contenues dans cet album. Distingué dans Prélude, aria et finale, éclatant dans les Variations symphoniques, exalté dans Prélude, chorale et fugue – et j’en passe –, Chamayou nous restitue l’image d’une musique sensuelle et objective qui gagnerait à être davantage connue qu’elle ne l’est.

T. HERVÉ - 06/2010