Jordi Savall fut l’un des tout premiers musiciens de sa génération à décider que son avenir passerait nécessairement par le passé. Une nouvelle fois à bord de sa machine à remonter le temps, il nous invite à une excursion en plein Moyen Âge. C’est à travers un recueil d’estampies et de danses qu’il nous propulse ainsi, 700 ans en arrière, à la cour de Philippe IV dit « le Bel », alors roi de France. Imaginée par les ménestrels du XIIe siècle, l’estampie instrumentale est une danse assez élémentaire, mais très populaire à cette époque. Cependant, n’y cherchez pas de rythmes débridés : ici, point de débordement, l’émancipation ne viendra que plus tard. Mais ce n’est pas pour autant que l’on s’ennuie, bien au contraire, car tout en admettant la sobriété médiévale, Jordi Savall et sa petite troupe en font une présentation digne de tout éloge, tant pour le style que pour l’instinct. On sera notamment sensible au minimalisme éclatant de l’instrumentation composée essentiellement de bas instruments (vièles, lire d’archet, flûtes, chalemies, luth médiéval, ceterina d’amore, psaltérion, dulcimer et cithare) et de percussions, évitant les mélanges excessifs au profit d’une plus grande intériorité. Bien que son exécution repose sur des bases théoriques et musicologiques très approfondies, le peu d’annotations disponibles oblige les musiciens à presque tout réinventer, mais n’est-ce pas là l’un des grands mérites de cette réalisation ? Aussi, même si le décor est hautement suggestif, l’incroyable bonheur d’écoute qui monte de ce disque bien inspiré est tel qu’à aucun moment il ne se refuse. Irrésistible donc !

T. HERVÉ - 05/2008