Reposant sur une structure assez désordonnée et déroutante (notamment le grand final), cette œuvre épineuse trouvera plus facilement un écho favorable auprès des auditeurs déjà initiés à l’univers mahlérien, qu’auprès des néophytes, mêmes volontaires. Déjà pénétrés par les combinaisons de timbres et par les figures orchestrales propres au compositeur autrichien, les premiers, fortement impressionnés, savoureront assurément la lecture que leur propose Daniel Barenboïm. Malgré le manque de repères thématiques, ils se laisseront entraîner par la richesse des textures sonores et par les nombreux rebondissements instrumentaux qui jalonnent ces cinq mouvements, dont la clef de voûte est, incontestablement, le scherzo central bordé par deux « Nachtmusik » à la personnalité très dissemblable. L’incontestable réussite de ce disque repose sur l’extraordinaire performance des musiciens de l’orchestre de la Staatskapelle de Berlin. Les pupitres rivalisent de vitalité et de distinction sans jamais sombrer dans l’exubérance et le clinquant. La perfection de la mise en place, la netteté des attaques ainsi que la respiration de l’ensemble sont les gages d’une interprétation fidèle à la musique de Mahler, faite d’intuition, d’angoisse, mais aussi de communion et d’espoir. La grande classe !
T. HERVÉ - 09/2006