Au sein de la production symphonique de Chostakovitch, la Première est considérée par les chefs d’orchestre comme étant l’une des plus difficiles à réussir. Son caractère avant-gardiste, excentrique et volontairement débridé, ne la met pas facilement à la portée de toutes les baguettes. Alors, lorsque se présente une version comme celle de Vladimir Jurowski, il ne faut surtout pas passer à côté. Dirigeant un Orchestre National de Russie vraiment impressionnant, il impose à cette œuvre de jeunesse une tension au moins égale à sa détermination. De l’auscultation minutieuse du premier mouvement jusqu’au diabolique final, le chef joue sur les contrastes de la partition avec une rare habileté. Les instruments à vent sont aériens, les cordes expressives et les percussions autoritaires, sans oublier un piano viril et audacieux dans le deuxième mouvement. Le même constat d’efficacité est à signaler dans les trois mouvements qui composent la Sixième. Autant le premier peut se révéler ouvert, autant les deux autres sont implacables, le final notamment, où les cuivres rutilants imposent leur loi au sein d’une machine décidément bien huilée. La prise de son est précise et détaillée, sans pour autant sacrifier le naturel de l’interprétation. Une denrée impérissable dont on n’a pas fini de parler.
T. HERVÉ - 05/2007