Assez intransigeante, l’œuvre de Marin Marais est tout aussi passionnante. Révélée tardivement, elle occupe une place à part dans le monde de la musique et elle synthétise à merveille l’art de la viole de gambe ; œuvre qui mènera cet instrument à son apogée. Savamment défraîchie et portée à la connaissance de tous par Jordi Savall, depuis quelque temps, c’est la gent féminine qui brigue les meilleures places du podium. Après Hille Perl et la regrettée Sophie Watillon, c’est au tour de Marianne Muller (déjà remarquée sur le label Accord en compagnie de Sylvia Abramowicz) de s’affirmer comme une gambiste d’exception. Que ce soit dans les variations sur les Folies d’Espagne, morceaux de bravoure par excellence, dans la Suite en mi mineur, intense et pénétrante, ou dans le Labyrinthe, délicieuse pensée extraite de la Suite d’un goût étranger du Quatrième Livre de pièces de violes de 1717, son jeu de hisse sans peine au niveau de celui de ses devanciers. Tout à la fois maître des sortilèges et victime consentante, elle nous expose avec une condescendance de circonstance l’une des formes les plus typiques de l’art baroque français du XVIIIe siècle. Outre Sylvia Abramowicz, ne sous-estimons pas les autres membres de l’ensemble Spirale, tous de vaillants musiciens animés par une même volonté de perfection. Coïncidant avec le 350e anniversaire de la naissance du compositeur, cet album se positionne d’emblée comme une référence incontournable, et qui trouvera auprès de celles de ses prédécesseurs une place privilégiée au Parnasse de la viole.

T. HERVÉ - 01/2007