Condamnée à disparaître lorsque le violoncelle est apparu à la fin de l’ère baroque, la viole de gambe a profité de la résurgence de ce répertoire dans le dernier tiers du XXe siècle pour revenir sur le devant de la scène musicale. Tout à la fois élégante, tendre, mélodieuse, mais aussi timide, plaintive et « Rêveuse », elle est aux musiciens ce que la lyre est aux dieux. Considérée à son époque comme un instrument aristocratique, de nos jours encore, ce grand résonateur aux pouvoirs intemporels suscite toujours autant d’émotions, surtout lorsqu’il est, comme c’est ici le cas, placé entre les mains d’artistes aussi émérites. Suite à leur intégrale des Concerts à deux violes esgales du Sieur de Sainte-Colombe, Margaret Little et Susie Napper, qui forment depuis 1985 le duo Les Voix humaines, sont devenues des références incontournables dans l’interprétation de la musique du maître gambiste, ce quatrième et dernier volet étant bien présent pour nous le rappeler. Salué unanimement par une presse bien souvent en manque d’adjectif, ce cycle discographique réparti sur quatre doubles compacts n’engendre à aucun moment la monotonie. S’appuyant sur une palette de timbres aussi riches que variés, ces Concerts peuvent être perçus comme un authentique inventaire des causes affectives, tant sur le mode du plaisir que sur celui de la douleur. Davantage axés sur les nuances que sur le spectaculaire, ces magnifiques enregistrements effectués au Canada en 2003 et 2004 sont un véritable défi pour tout bon système de reproduction, celui-ci devant être neutre, bien articulé et transparent. Un aboutissement qui a valeur de consécration.

T. HERVÉ - 05/2008