Pour de nombreux compositeurs français du XVIIIe siècle, le clavecin fut la source d’une prodigieuse inspiration. Si François Couperin en est le grand ordonnateur, d’autres aux noms moins prestigieux s’engouffreront dans son sillage, contribuant ainsi pleinement à l’élaboration d’un répertoire riche, et au caractère fort agréable. Skip Sempé est dans le cercle des clavecinistes actuels, l’un des mieux placés pour nous y introduire. Avec cette « collection française », il met à l’honneur une lignée de compositeurs souvent désignés comme étant de « petits maîtres », mais avec ceci de particulier qu’on ne trouvera dans son album aucune trace de condescendance. Bien au contraire, tout dans son interprétation semble aller dans le sens du génie. Réfléchie pour le Prélude de Marchand, aguicheuse dans la Chaconne de Duphly, émerveillée dans Les Étoiles de Corrette, pudique dans La d’Héricourt de Balbastre et excentrique dans La Marche des Scythes de Royer, quels que soient ses états d’âme, à chaque pincement de corde l’auditeur ne peut répondre que par l’enthousiasme. Le clavecin utilisé est un Bruce Kennedy de 1985 d’après un modèle français du XVIIIe siècle. En pleine possession de ses moyens musicaux, c’est un partenaire idéal que la captation – elle aussi idéale – d’Alessandra Galleron nous dévoile. Les aspects mécaniques de l’instrument s’effacent au profit de facteurs bien plus émotionnels. De ces « petits maîtres », ce disque qui met de bonne humeur nous apprend que s’ils n’étaient pas des héros, ils en avaient quand même l’étoffe.

T. HERVÉ - 05/2009