Au disque, les récitals Haendel ne manquent pas. Contrairement à ceux qui se fondent dans la masse, celui-ci fait incontestablement partie de ceux qui sortent du lot. Tout d’abord, son décor tourne le dos aux scènes héroïques pour se concentrer essentiellement sur des airs mettant en scène la tonalité dramatique ou sentimentale de deux personnages, l’un incarné par la soprano Rosemary Joshua, dans le rôle de l’héroïne, l’autre par la mezzo-soprano Sarah Connelly, dans le rôle du héros – dans leurs versions originales, ce dernier était interprété par un castrat. Pas forcément spectaculaire, mais immédiatement séduisant, le panorama qu’il nous brosse est celui d’un compositeur égal à lui-même. À la beauté du programme s’ajoute, bien évidemment, celle de l’interprétation. Bien que de couleurs assez homogènes, les voix tour à tour sensuelles et vertueuses, jouent sans complexes la carte de la pureté et de l’élégance. Tantôt plaintif, tantôt rieur, leur chant est le digne prolongement de pages d’une exceptionnelle musicalité, une musicalité qui permet à l’English Concert de rappeler à ceux qui l’auraient oublié qu’il est l’une des toutes meilleures formations baroques d’outre-Manche. Soutenu par une prise de son fine et transparente, l’effectif vocal et instrumental s’organise merveilleusement dans une acoustique parmi les plus favorables, chaque partie y trouvant de quoi s’y distinguer sans pour cela devoir écraser sa voisine. Leur complicité, soigneusement entretenue par Harry Bicket, nous vaut un disque en tous points délicieux : un de ceux qui dispensent toujours autant de plaisirs, quelle que soit la fréquence à laquelle on l’écoute. Un pur produit Haendel.

T. HERVÉ - 07/2010