Voici associés sur le même disque, deux des plus passionnants trios pour piano produits par la musique de chambre française, toutes époques confondues. Composé en 1914, le Trio en la mineur de Maurice Ravel fait incontestablement partie des œuvres emblématiques du XXe siècle et aussi de celles qui exigent de leurs interprètes de réelles qualités de chambristes. Soigneusement construite, c’est une musique qui ne laisse rien au hasard. Avec des thèmes parfois déroutants, mais ô combien attrayants, elle ne se laisse pas facilement domestiquer, et seule une fréquentation assidue fera qu’à un moment, elle viendra vous manger dans la main, pour ensuite ne plus vous lâcher. Moins diffusé mais cependant plus immédiatement accessible, le Trio en sol mineur (1881) d’Ernest Chausson se situe dans la même veine artistique que celle de César Franck, qui fut, faut-il le rappeler, l’un de ses maîtres. C’est une pièce qui affiche un visage aux expressions multiples, oscillant tantôt vers l’exaltation, tantôt vers la tristesse, mais toujours avec cette tension affective qui représente pleinement le style naissant de son compositeur. Comme le nom de leur formation le laisse supposer, nos trois jeunes instrumentistes jouent ici dans leur jardin. Du violon de Philippe Talec au violoncelle d’Antoine Landowski en passant par le piano de Boris de Larochelambert, tous sont d’accord sur la définition à donner à ce programme intelligemment mené. D’une grande tenue, leur interprétation de Chausson se remarque par une excellente gestion des différents climats (lyrique, mélancolique, romantique), tandis que dans Ravel, elle trouve le dosage idéal entre trop de sagesse et trop d’exubérance. Plus que de la considération, leur disque mérite donc une place de choix sur nos étagères. C’est le moins que l’on puisse faire afin de les encourager à poursuivre dans cette voie.

T. HERVÉ - 06/2008