Pour tout pianiste, aborder les deux Concertos pour piano de Chopin équivaut à un exercice périlleux. Si, d’un point de vue orchestral, ce ne sont pas les plus accomplis du répertoire concertant, pour le soliste, au contraire, ce sont des partitions exigeantes, car d’une extrême virtuosité. À vingt-cinq ans, Rafał Blechaz est, parmi les jeunes musiciens, l’un dont le profil semble le mieux correspondre à l’impitoyabilité du compositeur polonais. De même nationalité et vainqueur, haut la main, de l’édition 2005 du prestigieux Concours Frédéric Chopin de Varsovie, ses aptitudes techniques et son sens musical font de lui l’un des pianistes les plus en vue du moment. Fluide, chaleureuse, poétique, sans emphase, mais toujours très communicative, son interprétation s’exprime très directement, sans affectation. D’un abord très facile et d’un charme aux conséquences immédiates, elle véhicule merveilleusement bien l’esprit qui caractérise son auteur. Bien sûr, l’accompagnement confié à l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam est, lui aussi, magnifique. Experte dans le maniement du mi mineur et du fa mineur, la légendaire formation néerlandaise met tout en œuvre pour soutenir le travail de son soliste. En respectant les consignes avisées de Jerzy Semkow – lui aussi polonais –, elle ajoute au lyrisme et à la sensualité des œuvres une foule d’autres sensations, comme si elle souhaitait compenser la « légèreté » de son écriture. Ces Concertos ont toujours eu les faveurs des mélomanes, ceux-ci succombant sans peine à la richesse de leur thématique et à leurs élans romantiques. C’est donc avec le plus vif intérêt qu’ils se précipiteront sur cet album, d’autant que techniquement, son écoute se déroule dans les meilleures conditions. Ce bilan très positif fait de ce disque l’un des plus enthousiasmants du moment, et au-delà, l’un des plus aboutis de ce début d’année de commémoration du bicentenaire de la naissance de Chopin.

T. HERVÉ - 04/2010