Voilà un album qui nous rappelle que les œuvres célèbres ne sont pas les seules à pouvoir assurer aux artistes le succès escompté. En effet, hormis peut-être la cantate Arianna a Naxos, on ne peut pas dire que les lieder et les canzonettes qui occupent le reste de ce programme font partie des sujets qui excitent le plus l’intérêt des mélomanes. Pourtant, ceux qui auront à cœur d’acquérir ce CD ne pourront que se féliciter de leur choix, tant le niveau atteint par la prestation de Stéphanie d’Oustrac et d’Aline Zylberajch est exceptionnel. Aussi, ce n’est pas faire preuve de complaisance que d’affirmer que la mezzo possède un véritable sens de l’à-propos. De sa voix dynamique, théâtrale et admirablement bien timbrée, elle manie l’émotion et l’ironie sans aucune faute de goût. Tous les épisodes mélodiques sont traités avec le souci de différencier leurs contours et de modeler leurs reliefs du mieux possible. Outre l’impression que l’on a d’assister à des scènes vraiment différentes, ses efforts lyriques nous mettent à l’abri de toute forme de redondance. À la provocation expressive de Stéphanie d’Oustrac, Aline Zylberajch répond par une complicité instrumentale de bon aloi. L’écoute de leur enregistrement – du reste fort bien réalisé – atteste que si ces deux-là ne parlent pas d’une même voix, elles parlent assurément le même langage. Au final, bien qu’aucune de ces pièces ne soit véritablement un élément essentiel de la production de Joseph Haydn, défendues comme elles le sont ici, chacune d’entre elles atteint une dimension unique, éclairant avec infiniment d’ampleur les dispositions d’artistes de tout premier ordre, tout comme celles d’un compositeur qui réussit dans tout ce qu’il entreprit. Un disque formidable à ne surtout pas négliger.
T. HERVÉ - 05/2010