Alors que certaines œuvres sont trop enregistrées, d’autres étonnamment, ne le sont presque pas assez. C’est le cas du Dixit Dominus, une pièce maîtresse, mais injustement sous-estimée du répertoire de Haendel. Répartis au sein d’une énergie concentrée, les textes fermes et incisifs ne peuvent dissimuler l’extraordinaire beauté de la partition. Pour la déchiffrer, le « casting » opéré par John Eliot Gardiner est tout simplement sensationnel. Sous sa direction, l’effectif vocal s’exprime avec une tension et une vigueur incomparable. C’est un disque beau à en pleurer, tant tout y est réfléchi et accompli, chaque note valant son pesant d’émotion. L’échange dissonant du De torrente in via bibet entre les deux sopranos est tout simplement renversant et laisse des traces indélébiles dans les esprits. Même s’il ne date pas d’hier, voilà bel et bien un disque au dessus des modes, une référence intouchable. Pour résumer, s’il ne constitue pas un bon choix pour l’île déserte – j’en choisirai un qui remonte davantage le moral –, c’est, selon moi, l’un des dix premiers disques à acquérir pour démarrer une discothèque de qualité.
T. HERVÉ - 10/2003