Lorsque Jordi Savall enregistra en 1988 cette version des Vêpres de la Vierge, il créa un événement d’une importance considérable. Il faut dire que le lieu retenu n’était pas anodin : la ville de Mantoue était le fief de Monteverdi et la basilique Santa-Barbara est, probablement, l’endroit où ses Vêpres furent exécutées pour la toute première fois. Outre les conditions émotionnelles évidentes, replacer l’œuvre dans les circonstances exactes de sa naissance donnerait-il de meilleures chances de résurrection ? Théorie farfelue ou non, dans un contexte aussi favorable, la réussite artistique se devait d’être au rendez-vous. Heureusement, c’est exactement ce qui se produit. En maître de cérémonie, Jordi Savall retrouva, d’instinct, l’ardeur et la luxuriance du message liturgique de Monteverdi, tant et si bien que l’on ne peut que rester admiratif devant les élans lyriques et les contrastes dynamiques qui jalonnent cette sublime déclaration sacrée. Basculant tantôt vers le recueillement, tantôt vers l’allégresse, la musique prend forme dans un mélange de piété et de virtuosité, sans omettre cette pointe de théâtralité, si chère au compositeur. Contraste aussi saisissant dans les interventions des parties vocales qu’instrumentales, l’intimité pouvant, à tout moment, succéder à l’apparat. Comme il est facile de l’imaginer, la gestion sonore d’un tel effectif dans une acoustique de cette nature rendit la tâche des ingénieurs du son très délicate. Aussi, pour immortaliser aussi fidèlement que possible ces moments divins, Maria et Michel Bernstein n’ont utilisé que deux micros omnidirectionnels Brüel et Kjaer, modèle 4009. Réédité par le label Alia Vox dans le cadre de sa nouvelle collection « Héritage », cet enregistrement réapparaît aujourd’hui, comme un étendard fièrement brandi, non sans avoir bénéficié au passage d’une nouvelle présentation et d’un remastering du plus bel effet. Les mélomanes étourdis qui seraient passés à côté de la version originale se voient donc proposer dans une version « grand luxe », une session de rattrapage qu’il conviendrait de ne surtout pas rater. Maudits seront les recalés !

T. HERVÉ - 04/2008