De toutes les époques traversées, le Moyen Âge fait sûrement partie de celles qui ont le moins épargné l’homme. Aussi, la religion, avec ses rites liturgiques, fut la seule à apporter consolation et espoir à des êtres sans cesse exposés aux guerres, aux famines et aux épidémies. Écrite par Guillaume de Machaut entre 1363 et 1365, la Messe de Nostre Dame jette les ponts entre le plain-chant à vocation monodique (ars antiqua), et le chant polyphonique (ars nova). De même qu’elle ne cache pas son affiliation grégorienne, sa modernité ne fait aucun doute. À la fois austère et majestueux, ce chef-d’œuvre universel deviendra vite la référence d’un genre nouveau et méticuleux : l’harmonie vocale. Des siècles plus tard, prodigieusement interprétée par Diabolus in Musica, c’est avec les mêmes valeurs honorifiques qu’elle se présente à nous. L’examen sonore de ses stratifications vocales (messe à quatre voix) révèle une densité et une homogénéité de timbres étonnantes. Dans un style pacifié, le chant s’opère dans la plus profonde solennité. Il se concentre sur les innovations rythmiques et sur le côté mystique de l’œuvre, frappant l’esprit autant que l’oreille. Magnifiquement enregistré dans l’acoustique de l’Abbaye de Fontevraud – lieu de résidence de l’ensemble Diabolus in Musica – ce disque est un véritable trésor. Outre son indéfectible caution musicale, il nous plonge au cœur des grandes cathédrales gothiques, au temps où l’art combattait l’inhumanité.

T. HERVÉ - 02/2009