Personnalité hors normes pour celle qui a grandi sous les ailes protectrices de Claudio Arrau. Enfant prodige, elle est née de la musique, plus qu’elle ne l’a apprise. Après avoir consacré son premier enregistrement à Chopin, pour qui elle entretient des affinités développées, c’est tout naturellement que Caroline Sageman se sent attirée vers Liszt. À l’inverse de quelques virtuoses qui se ruent sur la Sonate en si mineur comme pour se défouler, Caroline Sageman temporise davantage son jeu. Empreinte d’une sérénité qui traduit une grande confiance, elle récite la partition en y plaçant judicieusement une ponctuation d’une réelle efficacité. Là où d’autres terminent leurs tirades en haletant, sa lecture plus posée gagne en crédibilité. Dans les compléments de programmes, son patrimoine génétique l’inspire une nouvelle fois. Sa Vallée d’Obermann s’inscrit dans une vision poétique et picturale, alors que dans la tempétueuse Légende n° 2 : Saint François de Paule marchant sur les flots, elle nous promène sur des flots de puissance. Son Steinway, capté d’assez près, avale goulûment les partitions en déployant une puissance et une qualité de timbres remarquables. Bien qu’elle ait pu gagner en spatialisation, la définition de ce très bel instrument comblera les audiophiles, tandis que les mélomanes acclameront ce disque pour sa grande intelligence de style.

T. HERVÉ - 11/2006