Alors que Mozart exige avant tout naturel et simplicité, comment expliquer alors que ce disque ait été autant encensé ? Partant manifestement du principe que l’absence d’indication sur les partitions de cette époque favorise une grande liberté d’interprétation, Fazil Say bouscule toutes les idées reçues sur ces œuvres, un peu à la manière d’Ivo Pogorelich, et à l’opposé de Maria João Pires. La jeunesse et la fougue, pourrait-on dire. Jamais racoleur et sans jamais en bouleverser la conception, son tempérament bouillonnant et son imagination complice nous valent des tempos rapides et des « variations » rythmiques et harmoniques qui ne seront pas du goût de tous. Trop « jazzy » pour les mélomanes conformistes, révélation pour les autres, au-delà de la controverse, on sort de ce spectacle secoué et, suivant le camp dans lequel on se situe, agacé ou admiratif. Le piano s’exprime jusqu’aux limites de ses capacités dans une prise de son précise, mais sans froideur. Répondant à une grande dynamique, les notes s’additionnent dans une stéréophonie précise, avec un relief bien marqué. Ce disque, loin de toute complaisance, dépasse le stade de l’expérience pour atteindre celui du prototype.

T. HERVÉ - 11/2006