Il fut un temps où la musique de Liszt avait mauvaise réputation. Le pianiste qui, d’aventure, se risquait à l’inclure à son programme voyait alors les salles se vider devant lui. La sagesse étant mère du bon sens, de nos jours, si tant est d’admettre qu’elle a totalement vaincu ses détracteurs, c’est devenu une musique qui séduit par son souffle grandiloquent et par la puissance des émotions qu’elle dégage. Pour y être sensible, encore faut-il que son interprète soit en adéquation avec son sujet. Il ne suffit pas d’être bon pianiste pour bien jouer Liszt ; seul un véritable artiste peut y prétendre, dès lors qu’il en a l’acuité. Outre une parfaite indépendance des deux mains et l’appropriation d’un excellent doigté, son œuvre pianistique réclame une disposition d’esprit peu commune. Bien sûr, toutes ces qualités sont à mettre à l’actif de Guillaume Coppola, mais si son disque est ce point réussi, c’est parce qu’il a compris que pour donner une âme à la musique de l’auteur de la Sonate en si mineur, il faut l’interpréter comme si elle ne l’avait jamais été auparavant ; avec des « tubes » tels que la Rhapsodie hongroise nº 2, Funérailles ou Vallée d’Obermann, chaque succès prenant valeur d’exploit. Aussi, plutôt que de parler technique comme c’est si souvent le cas – de toute manière, elle est indispensable –, parlons de son engagement, de sa sensibilité et de sa sincérité. Il cultive son amour pour la beauté du son avec tact et passion, dissonances et nuances rivalisant d’ingéniosité. Enregistré avec le même degré de compétence par François Eckert, ce « Portrait » ne se contente pas de faire bonne figure. Réellement séduisante, sa bonne mine n’est pas feinte et restera, pour beaucoup de mélomanes, l’un des plus beaux souvenirs de l’année 2009.
T. HERVÉ - 12/2009