Quitte à paraître un peu trop sûre d’elle, Alice Sara Ott ne cherche pas à masquer ses convictions pianistiques. Dominant un jeu bien trempé, elle nous intéresse aux Valses de Chopin comme peu ont su le faire à son âge – et même au-delà. Rapidement convaincu du bien-fondé de son assurance, on prend vite la dimension de l’événement, car, plus que la technique, c’est son esprit qui triomphe. En effet, la véritable difficulté de ces pièces très convoitées repose sur la manière d’appréhender et de traiter les états d’âme d’un compositeur à deux visages. Plus que dans tout le reste de sa production, trouver le bon équilibre entre l’enthousiasme du Chopin public et la vulnérabilité du Chopin privé n’est pas une mince affaire. C’est en cela que la jeune pianiste excelle. À la fois consistante et délicate, elle est passée maître dans la graduation des émotions. Aussi, grâce à son intuition du rythme, elle souligne à merveille l’ambiguïté de la partition, la fragilité de son panache. On hésiterait presque à battre la mesure avec le pied, tant les manifestations de notre conscience sont présentes. Dotés d’une belle articulation, ses doigts frais et graciles jonglent tour à tour avec la facétie, la tendresse, la séduction et la fermeté, mais aussi avec le doute, la méfiance et la pudeur. Pour son troisième enregistrement – le deuxième sous l’étiquette jaune –, Alice Sara Ott nous sert un disque très séduisant et, à l’évidence, plus organique que fonctionnel.

T. HERVÉ - 03/2010