Contrairement aux femmes de lettres, l’histoire ne s’est intéressée aux compositrices qu’en de très rares occasions. Si le talent d’épistolière de Madame de Sévigné est connu de tous, combien, aujourd’hui, peuvent dire qui était Elisabeth Jacquet de la Guerre ? Pourtant, toutes les deux ont vécu et rayonné au même siècle. De la même façon, Mélanie Bonis – Mel Bonis de son nom d’artiste – qui a partagé avec l’illustre Debussy les mêmes bancs du Conservatoire de musique de Paris, demeure, pour un trop grand nombre d’entre nous, totalement inconnue. Ce disque sera donc, pour beaucoup, une découverte, et cela, à plus d’un titre. Tout d’abord, cette musique traduit les dispositions d’esprit d’une femme imaginative et, musicalement, extrêmement douée. Si, par moments, ses harmonies ne sont pas sans nous rappeler celles de son compagnon de classe, la consistance de son écriture ne laisse pas planer le doute quant à l’authenticité et à la pertinence de ses goûts. L’écoute des sept portraits féminins rassemblés sous le titre de « Femmes de légende » fournit la preuve de l’étonnante maturité de son style. Dotée d’un sens musical incontestable, Maria Stembolskaya est l’autre découverte de ce splendide enregistrement. Bien que sa popularité ne le laisse pas encore deviner – ce disque devrait toutefois contribuer à faire changer les choses –, son jeu s’avère celui d’une artiste jeune et sereine, la somme de ses moyens compensant largement le niveau de son expérience. Œuvrant telle une féministe convaincue, les tableaux sonores qu’elle nous brosse sonnent comme autant d’arguments plaidant en faveur de ce disque. Les onze pièces descriptives qui le complètent sont à peine moins démonstratives de l’imagination de leur auteur et du savoir-faire de leur interprète, le preneur de son rendant fièrement hommage à la combinaison de leur travail.
T. HERVÉ - 10/2010