APPROCHE
           
PRIORITÉ
           
NIVEAU Choix n° 1
  Infos
Le violoncelle parle

BENJAMIN BRITTEN
(1913-1976)

Suite pour violoncelle seul n° 3, op. 87

GASPAR CASSADÕ
(1897-1966)

Suite pour violoncelle seul

PASCAL AMOYEL
(1971)

Itinérance

ZOLTÁN KODÁLY
(1882-1967)

Suite pour violoncelle seul, op. 8

Emmanuelle Bertrand (violoncelle)

HARMONIA MUNDI - HMC 902078 - (1 CD + 1 DVD)


    Informations
    Commentaire

L’une des principales caractéristiques du violoncelle réside dans la nature particulière de son timbre qui se rapproche beaucoup de la voix humaine. Capables de reproduire l’ensemble de notre spectre vocal, depuis les profondeurs de la basse jusqu’aux coloratures de la soprano, son caractère digne et sa très grande sensibilité font de lui un instrument avec lequel on se sent tout de suite en confiance. Placez-le entre les mains expertes d’Emmanuelle Bertrand et cette confiance se transforme alors en un total abandon. Il faut dire qu’elle dispose de suffisement d’arguments pour bien le faire bien parler ! Auteur en 2000 d’un mémorable premier entretien (voir ici), la protégée d’Henri Dutilleux reprend le principe de l’anthologie afin de nous faire admirer les propos d’un instrument qui a décidément beaucoup de choses à nous dire. À force d’engagement et d’intériorité, son jeu très persuasif nous permet d’accéder à un univers sonore d’une richesse incroyable. De l’ambiance méditative et tragique de la Suite pour violoncelle n° 3, op. 87 de Benjamin Britten, la violoncelliste débusque les moindres traces d’intimité. Envoutant pour qui saura se laisser pénétrer – hypnotisant même pour les plus réceptifs – ce chef-d’œuvre déborde de son habituel cadre émotionnel pour atteindre un stade quasi religieux. Plus connue des instrumentistes que du public, si la Suite pour violoncelle de Gaspar Cassadó exploite toutes les possibilités de l’instrument, encore faut-il savoir ne pas confondre l’abondance avec l’exubérance, ou pire, avec la vulgarité. Ici, rien à craindre de ce côté-là, car pour une artiste aussi subtile, la démonstration n’est jamais un objectif à atteindre. Itinérance de Pascal Amoyel (son partenaire à la ville comme à la scène) se révèle comme un bref intermède métaphysique avant que ne surgisse la célèbre et monumentale Sonate, op. 8 de Zoltán Kodály. Complexe et imprévisible, elle pousse interprètes et auditeurs dans leurs derniers retranchements. D’une grande désinvolture tonale, son langage harmonique peu commun trouve auprès de sa traductrice un lyrisme (l’esprit tzigane) et un supplément d‘âme qui ne lui sont pas toujours accordés. Ainsi, rarement la difficulté et l’admiration auront aussi bien cohabité, chacune trouvant dans sa contrepartie un motif de respect et de motivation. De chants en narrations, au-delà de son violoncelle, Emmanuelle Bertrand laisse parler un prodigieux talent, certainement l’un des plus affirmés dans un répertoire du XXsiècle, certes, exigeant, mais ô combien excitant.

T. HERVÉ - 06/2011