Fruit de vingt années de recherche et de développement dans les ateliers Yamaha (le plus grand fabricant mondial de pianos acoustiques), le nouveau CFX s’impose comme l’une des meilleures parades face à la suprématie des Steinway. Depuis sa sortie en 2010, nombreux sont les pianistes de renom à s’être laissés séduire par son énorme potentiel musical. Le dernier en date n’est autre que Nicolas Stavy, un artiste aussi bien reconnu pour son exigence que pour la personnalité de ses interprétations. Conditionné par un compositeur à l’écriture intransigeante et variée, le choix de ce piano à queue de concert de 2,75 m s’avère d’une pertinence dont nul ne se plaindra. Expressif et réactif, il déploie une palette d’harmoniques d’une richesse incroyable. Fort d’un compagnon d’une telle envergure, Nicolas Stavy se livre à une interprétation propre à aiguiser nos sens auditifs. Intelligemment pensé, son programme s’articule autour de pièces qui dénotent l’enthousiasme de Liszt pour la littérature, d’où son titre : « Lectures ». Sous l’action d’un doigté sensible et ingénieux, du Sonnet de Pétrarque n° 104 extrait de la Deuxième année de pèlerinage émane des sentiments d’une extrême sensibilité. Baignant sous une pluie d’arpèges, la Bénédiction de Dieu dans la solitude fait référence à Lamartine. Émouvante à souhait, là encore, grâce à un jeu savamment dosé, la tension est souvent à son comble. Simples d’apparence, les six Consolations s’inspirent du recueil de poèmes que Sainte-Beuve dédia à Victor Hugo. Traitées à la manière de nocturnes, ici c’est le souvenir d’un Chopin tout juste disparu qui plane. Après le calme, la tempête. Ainsi, dès le début de la fantaisie – quasi sonate – Après une lecture du Dante (l’autre pièce maîtresse du second volet des Années de pèlerinage, d’après un poème de Victor Hugo), nous sommes instantanément entraînés dans un tourbillon qui, même s’il nous est familier, nous rappelle que nous sommes en présence d’un chef-d’œuvre de jeunesse, harmonieux et terriblement audacieux. Tout en faisant valoir leur légitimité, ces pages ne sont pas les seules à retenir notre attention. Version originale de l’ultime poème symphonique de Liszt, Du berceau jusqu’à la tombe sera, pour de très nombreux mélomanes, la grande surprise de ce disque. Inspiré d'un tableau que lui avait dédicacé le peintre hongrois Michaël Zichy, en évoquant musicalement les grandes étapes de notre existence, le compositeur nous entraîne sur le terrain d’une évolution qui n’est pas seulement physique. Révélatrice en son temps de futurs bouleversements musicaux, cette œuvre nous étonne aujourd’hui par son côté avant-gardiste. Presque jamais enregistrée, c’est l’aboutissement d’un disque poétique et sincère. Sans pour autant effacer de notre mémoire d’autres « lectures » magistrales, Nicolas Stavy aborde néanmoins ces pièces comme si elles ne l’avaient jamais été auparavant. Au-delà de son originalité thématique, cet album doit facilement conquérir l’auditeur qui recherche dans Liszt le grand promoteur des idées romantiques qu’il était. De ce qui m’a été donné d’entendre en cette année du bicentenaire de sa naissance, ce disque, honoré d’une prise de son honnête et cohérente, figure, à coup sûr, parmi les tout meilleurs. À connaître impérativement !
T. HERVÉ - 09/2011