Considéré par de nombreux mélomanes comme la quintessence du ballet russe, Le Lac des Cygnes est aussi l’une des œuvres qui propagent le mieux les idées et les contrastes de la musique de Tchaïkovski. Bien que nous ayons à notre disposition de nombreux disques d’extraits nous permettant de l’appréhender en douceur, compte tenu de sa beauté et de sa place dans le répertoire, il me paraît préférable – pour ne pas dire indispensable – de l’apprécier dans son intégralité. Toutefois, sa durée exige qu’elle soit traitée avec beaucoup de considération et, dans la mesure du possible, reproduite dans d’excellentes conditions techniques. Pour cela, la version que nous livre le label Ondine se révèle idéale. Libérée de toutes contraintes chorégraphiques, la scène musicale ne demeure pas pour autant statique. Concentré sur le seul profil symphonique de l’œuvre, le chef, Mikhail Pletnev, se montre sous son meilleur jour. Domptant un orchestre impeccable et haut en couleurs, il ne manque pas d’ajouter aux spécificités nationales de la partition les doses de romantisme slave et d’élégance viennoise nécessaires à son équilibre, quitte à ce que de temps en temps son enthousiasme vienne mordre sur le terrain de la confusion. Mais peu importe tant que la musique y trouve son compte ! Sur ce point, elle nous apparaît totalement épanouie, et il n’est pas nécessaire d’attendre le célèbre thème du hautbois qui relie les deux premiers actes pour s’en convaincre, pas plus que le fameux trio de danses qui annonce la fin du troisième. En effet, parmi ce festival de sonorités orchestrales, les chapitres les plus marquants tirent vers le haut les motifs de transition de telle sorte qu’à aucun moment le temps ne semble trop long. Loin d’être une musique décorative, Le Lac des Cygnes est bien un authentique chef-d’œuvre. Mikhail Pletnev et l’Orchestre national de Russie sont désormais là pour le rappeler à ceux qui l’auraient oublié.

T. HERVÉ - 09/2010