Pour son premier enregistrement en tant qu’éditeur, le Brussels Philharmonic n’est pas passé à côté de ses supposées ambitions. En effet, même si elle est souvent enregistrée, cela faisait un petit moment que l’œuvre orchestrale de Debussy n’avait pas été aussi bien servie. Sans être classé parmi les plus prestigieuses formations, l’ex-Orchestre de la Radio flamande fait preuve, tout au long de ce parcours, d’une impressionnante maîtrise artistique. Ainsi, grâce au tour de main de Michel Tabachnik, l’écriture raffinée de l’auteur de Péléas et Mélisande rayonne sans aveugler, fidèle à ses concepts de clarté et d’équilibre. Au sein de cet univers sonore si particulier, il n’est pas un instrument dont l’implication ne soit pas sincère, pas un son qui ne fasse l’objet d’une attention particulière, pas un silence qui n’ait pas été mûrement réfléchi. Sorte de symphonie en trois mouvements, bien qu’ayant été écrite loin de tout rivage, La Mer est d’une cohérence exemplaire. De l’indolence du début au tumultueux « Dialogue » final, elle prend ici une dimension océanique inattendue. Imprévisible comme peuvent l’être les éléments, la navigation n’y est pas très reposante, et c’est très bien ainsi. Riche en événements, elle se révèle bien plus palpitante que les traversées d’eau stagnante que nous réservent certaines interprétations moins intrépides. Langoureusement mené, le Prélude à l’Après-midi d’un faune se déroule à un rythme idéal, laissant apprécier un discours d’une sensualité débordante. Étayés par trois compositions (Nuages, Fêtes et Sirènes), les Nocturnes s’écoutent avec le même abandon. Reconnaissons, au passage, l’excellente prestation de l’ingénieur du son, très respectueuse de l’architecture et des couleurs de l’orchestre. En mettant les petits plats dans les grands, le tout nouveau label Brussels Philharmonic Recordings parvient à réaliser un album absolument remarquable ; de quoi aborder l’œuvre symphonique de Debussy le plus sereinement et le plus agréablement possible. D’ailleurs, n’est-ce pas lui qui disait : « Il n’y a pas de théorie : il suffit d’entendre. Le plaisir est la règle. »
T. HERVÉ - 07/2011
