Histoire universelle, Il Combattimento di Tancredi e Clorinda est avant tout un drame. Celui de deux amants qui se livrent un combat acharné, chacun étant lié à un camp ennemi : Tancrède à celui des chrétiens, Clorinde à celui des infidèles. Sans connaître l’identité de son adversaire, Tancrède transperce mortellement la belle païenne de son épée. On imagine alors sans peine son désarroi lorsqu’il découvrit qui se cachait dessous cette armure. Cette scène, tirée du douzième chant de la Jérusalem délivrée du Tasse (1544-1595), est le prétexte pour Monteverdi d’aller au-delà du madrigal classique et d’inventer l’opéra. Mais l’amour, le drame, la douleur et le désespoir sont des états d’âme qui ne peuvent être transmis qu’avec le concours d’un narrateur convaincant. Telle était la volonté du maître italien et c’est bien ce qu’a voulu respecter Emmanuelle Haïm en confiant ce rôle, contre toute attente, à Rollando Villazon. Nouveau venu dans ce répertoire, sa prestation regorge d’humanité. Héroïque ou tendre, son propos est toujours aussi crédible que poignant. Écoutez-le seul dans le madrigal Si dolce è’l tormento ou en duo avec Topi Lehtipuu dans Interrotte Speranze, Eterna Fede, et vous comprendrez ce que l’émotion veut dire. Quoique moins sollicitée, la soprano Patrizia Ciofi impressionne dans Ohime Ch’Io Cado, Ohime qu’elle éclaire d’une voix lumineuse à la sensualité presque juvénile, tandis que le Concert d’Astrée, au jeu toujours aussi probant, paraphe l’enregistrement de sa plus belle écriture. Bref, et quitte à enfoncer des portes déjà ouvertes par d’autres critiques, c’est convaincu et déterminé que je vous conseille d’acquérir ce disque sans plus attendre. Passer à côté de cette merveille serait un véritable sacrilège.

T. HERVÉ - 06/2007