Au début de l’époque baroque, Claudio Monteverdi était considéré comme le dernier grand représentant de l’école italienne du madrigal : une forme de musique vocale et descriptive majoritairement composée à partir de textes de qualité et chantée sans refrain. C’est en puisant dans son huitième recueil, le dernier publié de son vivant, que Vincent Dumestre et le Poème Harmonique ont construit leur programme. Écrit sur une période d’une trentaine d’années et intitulé Madrigali guerrieri e amorosi (1638), outre son incroyable richesse, c’est surtout l’une des dernières et des plus fortes déclarations musicales du compositeur. Dumestre ne faisant jamais les choses à moitié, son Monteverdi nous réserve des moments d’une originalité souveraine et essentielle. Dans un décor théâtral – presque d’opéra –, les épisodes amoureux et dramatiques se succèdent dans un incroyable climat de sérénité et de crédibilité. Du dépouillement sensuel du Lamento della Ninfa (chant amoureux) – plaintif à souhait, Amour est à en mourir –, aux accents épiques et belliqueux de l’incontournable Il combattimento di Tancredi e Clorinda (chant guerrier), on mesure l’étendue des sentiments qui unissent les chanteurs et les musiciens à l’univers si particulier du madrigal. Aussi, comment pourrait-on passer sous silence leur interprétation de l’étonnant Hor che’l ciel e la terra tellement elle inspire admiration, crainte et respect ? Jamais à court d’idées, Dumestre et ses saltimbanques concluent par un rappel burlesque et scénique du meilleur effet. Déconcertante, mais résolument exubérante, La Fiera di Farfa de Marco Marazzoli porte la dérision à un niveau où l’on ne l’attendait pas, à savoir celui de la virtuosité et de la considération. Bref, vous l’aurez compris, ce disque est un grand cru du label Alpha. Généreux et pédagogique, le mélomane souhaitant aborder l’art subtil de la polyphonie madrigalesque y trouvera un enseignement incomparable. Monteverdi à son stade ultime.
T. HERVÉ - 12/2010