Éditoriaux de l’année

    2004

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    Éditorial                                            Janvier 2004                                           N° 1

S’il est logique de penser qu’un système audio performant permet d’obtenir une écoute de grande qualité, il est moins facile d’accepter de ce même système qu’il puisse aussi nous révéler les défauts de nos précieux enregistrements. Par conséquent, il serait dommage d’investir dans du bon matériel pour ensuite négliger l’objet supposé lui fournir sa seule raison d’être : je veux bien sûr parler du disque.

Malheureusement, il arrive très souvent qu’une belle interprétation soit gâchée dès l’enregistrement par une mauvaise prise de son. Ce qui est perdu à la source l’est définitivement. De même que les audiophiles ont le pouvoir d’intervenir sur la composition de leur chaîne haute-fidélité et sur leur environnement d’écoute, les mélomanes ont un immense choix de disques à leur disposition. Hélas, seule une faible partie de la production discographique est conforme à l’attente des plus exigeants d’entre eux, à savoir celle de pouvoir reproduire la musique et les émotions qu’elle dégage sans modifier insidieusement la perception de son interprétation.

Ce site a donc pour vocation de porter à la connaissance des audiophiles et des mélomanes, ainsi qu’à toutes autres personnes éprises de qualité, des disques de musique classique reconnus, tant pour leurs vertus artistiques et musicales que pour leurs prises de son exceptionnelles. De plus, grâce à son système de notation, les néophytes qui souhaitent aborder sereinement ce répertoire jugé d’ordinaire ardu y trouveront un outil adapté à leur niveau et à leur ambition.

Tous ces enregistrements, essentiellement des disques compacts, font partie de ma collection personnelle et sont acquis et jugés en toute indépendance.

Un grand merci au magazine Diapason et surtout à son rédacteur en chef Jean-Marie Piel, passionné lui aussi de belles musiques et de beaux sons. Leurs jugements,tant musicaux que techniques, m’ont toujours guidé dans le choix de mes disques et aujourd’hui, la réalisation de ce site me permet de leur rendre hommage.

T. HERVÉ - 01/2004

    Éditorial                                            Février 2004                                           N° 2

Pour ceux qui connaissent déjà Audiophile Mélomane, vous avez pu vous rendre compte des légères modifications apportées ce mois-ci. D’abord, la page de bienvenue qui récupère la présentation du site. Cela permet aux nouveaux visiteurs de prendre connaissance de son contenu et à ceux qui y sont déjà venus d’y entrer directement.

Cela me permet surtout de libérer de l’espace sur la page où vous êtes afin d’y rédiger, en toute simplicité, un petit éditorial dans lequel je vous ferais part des nouveautés du mois. Comme beaucoup d’entre nous, vous n’êtes pas sans savoir que tout audiophile est perfectionniste et c’est dans cet esprit que je vais essayer d’entretenir et d’améliorer mon site. Vos remarques d’ailleurs y sont les bienvenues.

C’est justement pour donner suite à la demande de certains d’entre vous que figure désormais sur cette page une série de liens vers des pages spécifiques à l’intérieur de mon site. Je les ai tous regroupés sous le thème « Pour en savoir plus ». Pour pouvoir les afficher, votre navigateur doit pouvoir accepter les pop-ups, donc attention pour ceux qui utilisent des filtres de style « Barre d’outils Google », « Tweak-XP » etc. contre l’ouverture de ces fenêtres. Veillez à bien les paramétrer afin de leur autoriser un accès total à mon site. Si vous y constatez des liens morts, je vous serais reconnaissant de m’en avertir.

Je ne tenais pas spécialement à y mentionner mon système d’écoute, mais la requête récurrente de plusieurs visiteurs a fini par me convaincre. J’espère d’ailleurs, dans un proche avenir, le faire évoluer en remplaçant mes enceintes.

En attendant, je vous propose de nouvelles références de disques, du clavecin, du piano, des concertos, de la musique de chambre et aussi les fameuses « Quatre  Saisons » du Prêtre roux qui vont rendre vos amis jaloux !

T. HERVÉ - 02/2004

    Éditorial                                              Mars 2004                                            N° 3

Comme je l’indique un peu plus bas dans cette page, j’ai hésité à sonoriser les pages de mon site. Imaginez ! Je crée un site pour y mettre en valeur la qualité d’enregistrement de certains disques et j’y inclus des sons au format « midi » capables de rendre tout audiophile dépressif !

Dans la page « Contact », je vous demande d’ailleurs comment vous percevez la sonorisation des pages et, majoritairement, vous trouvez cela agréable. Je suis désolé pour les autres. Je m’astreindrai quand même à en changer régulièrement le fond sonore afin d’éviter la monotonie.

Dans les messages que vous m’adressez, vous êtes malgré tout plusieurs à me demander si je peux vous faire écouter un extrait du disque chroniqué. Il est évident que si j’en avais le droit, c’est la solution que j’aurais choisie plutôt que celle que j’ai adoptée. Vous avez par contre la possibilité de vous rendre sur des sites commerciaux qui permettent l’écoute en ligne d’une bonne partie des disques qui figurent sur mon site. Je ne peux pas introduire les liens directement sur mes pages, car leurs vérifications régulières me rendraient la tâche ingérable.

Parmi les 9 nouveautés de ce mois, un disque que tout « audiophile mélomane » se doit de posséder, le fameux « Messie » de Haendel par Christopher Hogwood. Il deviendra un pilier de votre discothèque. Vous y trouverez aussi un merveilleux disque de musique de la Renaissance chanté par Montserrat Figueras accompagnée au luth par Hopkinson Smith. Dans un registre différent, deux des merveilleuses pièces pour seize cordes de Béla Bartók par le grand Quatuor Talich. Un must !

T. HERVÉ - 03/2004

    Éditorial                                               Avril 2004                                            N° 4

Ce mois-ci, sur Audiophile Mélomane, quelques modifications techniques afin d’en faciliter la visite. En effet, pour ceux d’entre vous qui rencontrent des problèmes techniques, j’ai fusionné les rubriques « Affichage » et « Sons » figurant sur cette page d’accueil pour vous permettre d’accéder à une page d’aide, dans laquelle j’ai essayé d’apporter des réponses aux différents soucis que vous pourriez rencontrer. N’hésitez pas à me contacter si vous n’y trouvez pas votre bonheur. De plus, j’ai cru bon d’ajouter un glossaire accessible sur toutes les pages, afin de rendre certains textes plus compréhensibles.

J’ai aussi voulu améliorer la visualisation et l’accès aux nouveautés. Vous trouverez donc désormais, à la suite de l’éditorial, une miniature de chaque nouveau disque chroniqué. En cliquant dessus, vous accèderez directement à la page le concernant. Voilà pour l’aspect pratique.

Un visiteur débutant dans la musique dite « classique » me posait dernièrement la question de savoir si les disques figurant sur mon site représentaient une bonne base pour constituer sa discothèque. Comme vous le savez déjà, le but de mon site est de mettre en valeur des enregistrements combinant qualités artistiques et techniques. Je choisis chaque mois quelques nouveautés avec comme postulat le désir de vous les faire connaître, tout en essayant de respecter une certaine homogénéité entre les différents répertoires. En aucune façon cela ne saurait correspondre à une discothèque idéale. Certaines œuvres sont prioritaires ; d’autres, par contre, le sont beaucoup moins.

Musicalement, parmi les huit nouveautés de ce mois d’avril, j’ai choisi un enregistrement de Pierre Hantaï interprétant des Pièces pour clavecin de Domenico Scarlatti. Ce disque, écouté à volume modéré sous un éclairage tamisé, vous procurera, à n’en pas douter, un immense plaisir. Récemment, pour la bande-son de son film « Stupeur et Tremblements », Alain Corneau, lui aussi audiophile mélomane, a utilisé la version des Variations Goldberg de J.-S. Bach de Pierre Hantaï. Cela fut pour moi l’occasion de réécouter son interprétation et, bien que ces pages ne manquent pas de références, nous sommes en présence de l’une de ses meilleures interprétations. Même si ce n’est pas celle que je préfère, nous avons à faire indéniablement à l’un des plus talentueux clavecinistes du moment.

C’est aussi pour moi l’occasion de vous faire découvrir un superbe enregistrement de chez Linn Records. Ce fabricant d’outre-Manche, renommé pour la qualité de ses appareils haute-fidélité, possède son propre label et plusieurs de ses disques figurent en bonne place sur mes étagères. Celui que je vous propose ce mois-ci est tout simplement divin. Ce disque, constitué de madrigaux de la Renaissance nous fait découvrir des compositeurs certes peu connus du grand public, mais doués d’un talent de composition évident. Enregistrer de telles œuvres dans un environnement naturellement réverbérant n’était pas chose facile, mais l’ingénieur du son a su s’affranchir de cette difficulté pour notre plus grand plaisir. Si vous ne devez vous acheter qu’un disque ce mois-ci, que ce soit celui-ci !

Le printemps commence bien.

T. HERVÉ - 04/2004

    Éditorial                                               Mai 2004                                             N° 5

Dans l’éditorial du mois dernier, je faisais mention du film d’Alain Corneau « Stupeur et Tremblements », car celui-ci utilise comme support sonore l’enregistrement des Variations Goldberg de J.-S. Bach de Pierre Hantaï, et ce n’est que par pure coïncidence que, quelques jours plus tard, je découvris sa nouvelle version. Il ne me fallut guère plus d’une écoute pour réaliser que j’avais affaire à un événement au sein de la discographie de cette partition.

Les Variations Goldberg sont, pour celui qui désire s’en procurer un enregistrement, un véritable casse-tête. En effet, il suffit de se rendre sur les sites de disquaires en ligne pour constater la pléthore de disques disponibles rien que pour cette œuvre. Sans compter qu’elle est presque aussi souvent interprétée au clavecin qu’au piano. Alors quelle version choisir ?

Il n’est pas possible de répondre à cette question sans revenir sur ce que représente cette œuvre dans l’histoire de la musique.

Composée par Bach sans doute entre 1739 et 1740, elle fait partie d’un ensemble d’œuvres dédiées au clavier, regroupées sous le titre d’« Exercice pour le clavier ». L’un des premiers biographes de Bach, Nikaulos Forkel, nous révèle que la création de ces Variations faisait suite à la visite du compositeur chez le comte von Kayserlingk de Dresde. Ce dernier, qui employait un ancien élève de Bach, Johann Gottlieb Goldberg (1727-1756) comme claveciniste, aurait demandé au compositeur de lui écrire une pièce qui, jouée plusieurs fois de suite par Goldberg, l’aurait apaisé et lui aurait permis de retrouver le sommeil. Cette belle histoire est désormais contestée ne serait-ce qu’à cause du jeune âge de Goldberg à l’époque (douze ou treize ans), ce qui est, même pour un musicien prodige, incompatible avec l’extrême difficulté que représente l’exécution de ces pièces.

L’œuvre est constituée d’une « aria », elle-même suivie de trente « variations ». Elle représente sans conteste l’une des partitions les plus originales du musicien et ce n’est que tardivement que certains virtuoses du piano décidèrent de se « frotter » à ces pages. Sans vouloir faire l’historique des interprétations, il faut savoir que les Variations Goldberg ont acquis toute leur notoriété depuis qu’un certain pianiste canadien les aborda d’une façon qu’aucun autre ne les eût imaginées. Glenn Gould, en deux enregistrements (1955 et 1981), venait de jeter un pavé dans la mare. Que l’on crie au scandale ou au génie, les choses, dès lors, ne seraient plus comme avant.

En ce qui concerne les références reposant sur les critères de mon site, le nouveau disque de Pierre Hantaï est au sommet de nos espérances. Le choix en devient cruel, tant il est vrai que cette œuvre est, de part la quantité de ses enregistrements, bien servie.

Mon choix s’est fait après maintes écoutes, entre les enregistrements de Mortensen (Kontrapunkt), Verlet (Astrée), Frisch (Alpha), Hantaï (Opus 111 et Mirare) pour les interprétations au clavecin et Ema (M.A. Recordings) et Perahia (Sony) pour celles au piano. En aucune façon je ne saurais opposer le clavecin au piano. À chaque instrument ses valeurs et aucun ne démérite devant une telle partition. J’avoue quand même avoir un faible pour les versions jouées sur l’instrument pour lequel cette musique a été écrite. C’est donc parmi celles-ci que mon choix se portera pour alimenter mon site.

Maintenant, concernant nos différents protagonistes, entre la vivacité de Lars Ulrik Mortensen, l’efficace modération de Blandine Verlet, la délicatesse de Céline Frisch, l’analytique (dans le bon sens du terme) première version de Pierre Hantaï et l’extravagance de sa nouvelle version, il est très difficile de choisir. Le mois dernier, j’aurais sans doute choisi le disque de Blandine Verlet, mais comme à son habitude, Pierre Hantaï a su se dépasser. Sa lecture n’est pas de tout repos et elle s’adresse davantage aux aficionados de l’œuvre ; les néophytes choisiront plutôt celle de Mortensen, de Verlet ou la première version d’Hantaï, plus « académiques ». Vous l’avez sans doute compris, le choix ne se fera pas sur le disque, mais plutôt sur le nombre de version à acquérir.

Quelle que soit celle que vous choisirez, soyez certains que ces disques rendront plus lumineux vos dimanches pluvieux.

T. HERVÉ - 05/2004

    Éditorial                                               Juin 2004                                             N° 6

C’est à partir de l’adolescence que j’ai commencé à m’intéresser à la haute-fidélité. J’étais émerveillé devant ces matériels qui pouvaient me faire entendre de la musique, comme jamais je n’avais osé l’imaginer. À cette époque, le style de musique que j’écoutais ne rendait pourtant pas justice à la dépense que je concédais pour acquérir ma première « chaîne ». Depuis, j’ai toujours écouté beaucoup de musique, et c’est suite à une écoute au Salon de la Haute-fidélité de Paris que tout bascula. Je venais d’assister, sur le stand d’un célèbre fabricant français d’enceintes acoustiques, à une démonstration sur de la musique « classique ». Ce fut pour moi une révélation et presque du jour au lendemain, sans suivi psychologique (…), je suis passé de Sonic Youth à Chostakovitch.

Mis à part l’extrême beauté et l’étendue de ce répertoire, je me suis vite rendu compte qu’un de ses principaux intérêts était de pouvoir choisir les versions des œuvres, non seulement sur des critères artistiques, mais aussi sur des critères de qualité d’enregistrement. Je me donnai donc comme objectif de me constituer une discothèque qui me permettrait d’assouvir mes deux passions. Une sorte de symbiose entre l’art et la technique.

Je me souviens, il y a de cela de nombreuses années, d’un célèbre revendeur parisien qui avait organisé un sondage dans le magazine « La Nouvelle revue du Son ». Parmi les questions posées, l’une était :
« Entre une excellente interprétation de qualité technique moyenne et une interprétation moyenne d’excellente qualité technique, laquelle choisissez-vous ? »
Serait-ce là la différence entre le mélomane et l’audiophile ou bien est-il possible de concilier les deux ? Contrairement à d’autres styles musicaux, la « Grande Musique », avec la richesse de son catalogue discographique, nous le permet en partie. En partie seulement, car certaines œuvres, pourtant essentielles, ne font pas partie de ma discothèque : je n’ai pas pu me résoudre à un choix aussi cornélien. J’ai donc adopté la solution du « ni l’une ni l’autre ». J’avoue quand même, afin de ne pas rester dans l’ignorance, écouter de temps en temps des enregistrements de piètre qualité technique, leurs vertus artistiques me le faisant oublier le temps d’une écoute.

En toute logique, mon site aurait pu s’appeler « Mélomane Audiophile » mais pour des raisons de référencement, j’ai préféré inverser les termes. En effet, aujourd’hui je dois reconnaitre que je me considère davantage comme un mélomane que comme un audiophile, les deux étant intimement liés. Dites-moi donc ce que deviendrait un parachutiste sans avion ?

Parmi les nouveautés ce mois-ci, je vous propose, entre autres, un très beau disque de Charles Avison, compositeur anglais trop peu représenté au disque. C’est l’occasion de découvrir des transcriptions (genre très pratiqué au XIIIe siècle), tirées de sonates pour clavecin de Domenico Scarlatti dont il était un fervent admirateur.

Je vous présentais récemment un disque du discret, mais très talentueux pianiste Jean-Marc Luisada interprétant Bizet et Fauré. Cette fois, je vous suggère sa magnifique interprétation des Goyescas d’Enrique Granados, un des chefs-d’œuvre incontestables de la musique espagnole.

Autre indispensable, le disque d’Herbert von Karajan interprétant Une Symphonie alpestre de Richard Strauss. Cette œuvre est, avec la Symphonie fantastique de Berlioz et la Symphonie n° 8 de Mahler, celle réclamant le plus grand effectif orchestral. Une prise d’orchestre de toute beauté, grandeur nature. Il va vous falloir pousser vos meubles !

T. HERVÉ - 06/2004

    Éditorial                                              Juillet 2004                                           N° 7

Récemment, un fidèle visiteur me faisait remarquer que mon site, ayant pourtant pour vocation de mettre en valeur les qualités d’enregistrement de certaines interprétations, ne proposait aucun disque issu de labels dits « audiophiles ». Cela lui semblait assez paradoxal.

Pour être honnête, je dois admettre que, bien que possédant un grand nombre de disques de ces labels spécialisés,  j’en  possède très peu de musique « classique », mais davantage de Jazz ou de « Musique du monde ». Et puis, est-ce de ma faute si Jean-Marc Luisada n’enregistre pas pour Chesky, que le Concerto Italiano ne signe pas chez Reference Recordings ou si Pierre Boulez reste fidèle à Deutsche Grammophon ?

De plus, les disques figurant sur ces fameux labels ne sont pas toujours d’excellente qualité. Même les meilleurs ingénieurs du son, avec des matériels identiques, dans un même lieu, ne sont pas assurés de réussir d’une fois sur l’autre leurs enregistrements.

Je prendrais comme exemple le label Alpha que j’affectionne particulièrement. Quasiment toutes les prises de son de ce label sont réalisées par Hugues Deschaux, un des meilleurs ingénieurs du son qui soient. Il enregistre très souvent à la Chapelle de Notre-Dame de Bon Secours à Paris et bien souvent pour les mêmes artistes. Le mois dernier, je vous proposais l’enregistrement de l’ensemble Café Zimmermann des transcriptions de pièces de clavecin de Domenico Scarlatti par Charles Avison. Une référence ! Malgré cela, un tel résultat n’est jamais totalement garanti. Trop de paramètres interfèrent et quoiqu’on en pense, il en est de même pour les labels audiophiles.

Bien sûr, acheter un disque de certains labels comme Alpha, Ambroisie, AliaVox est en général un bon investissement, mais au final, seule l’écoute permet de se faire réellement une opinion. Et c’est là aussi un des meilleurs moyens pour juger de la qualité de son système hi-fi. En effet, meilleure sera votre chaîne et meilleure sera sa capacité à vous révéler les différences entre vos disques. Cela en fait d’ailleurs une de ses caractéristiques fondamentales.

Beaucoup d’éditeurs distincts sont représentés sur mon site, et pourtant la réputation de certains ne repose pas spécialement sur la qualité de leurs enregistrements, ce qui tend à prouver que le sujet est bien plus complexe qu’il n’y parait. Au final, c’est à nos oreilles d’en décider et à rien d’autre.

Le label Alpha est encore à l’honneur ce mois-ci avec une nouveauté consacrée à la musique d’un Moyen Âge occidental se terminant sous la prééminence de Guillaume Dufay. Même si l’ensemble Allégorie ne possède pas encore tout le talent de l’ensemble La Reverdie, leur premier enregistrement pour le label sus nommé mérite toute notre attention.

Si vous aimez l’opéra baroque, ne passez pas à côté de l’Ariodante de Haendel par Minkowski. Ce n’est sûrement pas son œuvre la plus connue, quoiqu’essentielle dans sa carrière, mais par contre ce triple compact disque risque de devenir l’un de vos préférés. Ne vous laissez pas impressionner par la longueur de l’œuvre, avec cette musique-là entre les oreilles, le temps passe très vite.

Il est impossible aussi d’ignorer le très bel enregistrement des airs de Puccini de la grande soprano néo-zélandaise, Dame Kiri Te Kanawa. Si vous regrettez la mauvaise qualité technique des disques que Maria Callas a voué à ce répertoire, rabattez-vous sur celui-ci. Cela vous consolera.

Autre coup de cœur que je voulais partager, le récital que la belle Magdalena Kozená a consacré à l’opéra français du XIXe (sauf un air du XXe). Nombreux ces temps-ci sont les disques qui mettent en valeur ce répertoire, mais celui-ci se place au sommet du genre. Laissez-vous séduire par le doux regard de cette jeune artiste, car le contenu est aussi beau que le contenant.

T. HERVÉ - 07/2004

    Éditorial                                              Août 2004                                            N° 8

Chaque mois, je vous suggère une sélection de disques à acquérir pour parfaire votre collection personnelle. J’espère en tout cas vous en donner l’envie. Seulement, le budget consacré à l’acquisition de ces précieuses galettes argentées n’est pas extensible. De plus, nombreux sont ceux d’entre nous qui investissent dans l’achat de matériels haute-fidélité, et tout compte fait, il peut être pertinent de se demander si nous sommes équitables pour les dépenses consacrées à notre passion.

Bien sûr, pour certains dont les finances le permettent, cette interrogation est futile. Mais pour le reste, une majorité j’imagine, la question vaut peut-être la peine d’être posée.

Pour faire simple, on peut imaginer que l’audiophile mélomane préfère écouter moins de disques, mais sur du très bon matériel, tandis que le mélomane audiophile privilégie l’écoute de nombreux disques quitte à y sacrifier un peu la qualité sonore. En réalité, le problème est évidemment plus complexe. Je pense que nous sommes tous comme des enfants devant un paquet de bonbons et que devant la masse d’enregistrements disponibles, il nous est impossible de résister tant le choix est difficile entre les fourrés et les acidulés !

Paradoxalement, une de nos frustrations majeures réside dans l’appauvrissement des rayonnages de musique classique chez les disquaires. En 2003, la vente des disques classiques représentait 4,5 % du marché et depuis le début de l’année 2004, on accuse une baisse de 20 % de ces chiffres. Les revendeurs, par souci de rentabilité (il faut aussi se mettre à leur place), privilégient les produits les plus commerciaux, souvent proposés, pour ne pas dire imposés, par les médias à grand coup de renfort publicitaire. À moins de résider dans une grande ville, il ne nous est plus possible, comme auparavant, de passer un agréable moment chez un disquaire à saliver devant les nouveautés. Dès lors, nos habitudes de consommation ont dû s’adapter et malgré la possibilité de passer commande chez le revendeur local, l’achat en ligne représente la méthode la plus facile. Le charme est rompu.

Toujours pour ceux qui habitent dans les grandes agglomérations (on finirait presque par les envier), il existe une possibilité non négligeable d’enrichir sa discothèque tout en y prenant du plaisir. De plus en plus de magasins proposent des disques classiques d’occasion et parfois même avec un choix considérable. Avec un minimum d’attention, il est désormais possible de trouver des enregistrements qui ne sont plus disponibles et, ce qui n’est pas négligeable, de faire de substantielles économies.

C’est d’ailleurs par ce biais que vous pourrez acquérir une des nouveautés du mois. En effet, le magnifique disque que le guitariste Julian Bream a consacré aux compositeurs espagnols du XXe siècle n’est plus présent au catalogue. Néanmoins, je vous le propose tant l’interprétation et la prise de son sont magnifiques. Si vous cherchez bien, vous le trouverez. Il en vaut largement la peine et vous l’apprécierez d’autant plus.

À l’honneur aussi, le label Alia Vox avec deux disques de musique sacrée. Le Mystère d’Elche et Le Chant de la Sibylle ont ceci en commun qu’ils vous immergent dans un monde de sérénité et créent en vous une sensation de paix propre à la méditation. À ne pas manquer !

La France a toujours eu des violoncellistes de talent. Parmi la nouvelle génération, Emmanuelle Bertrand en est une des plus grandes illustrations. Son enregistrement des pièces de compositeurs du XXe siècle a tout pour nous séduire. Un enchantement au prix d’un tout petit effort pour les moins aguerris à ce répertoire, mais un moyen privilégié pour découvrir le charme et la beauté de cet instrument.

Si l’on dressait une liste des œuvres indispensables à la connaissance musicale, le Voyage d’hiver de Franz Schubert en ferait obligatoirement partie. La version que je vous propose est une pure merveille. Dans ce cycle de lieder basé sur des poèmes du Prussien Wilhelm Müller (1794-1827), le compositeur autrichien se dévoile et nous bouleverse jusqu’au plus profond. Certes, cela pourra sembler un peu déplacé de vous conseiller un tel disque en cette période estivale, mais certains chefs-d’œuvre ne peuvent pas attendre !

T. HERVÉ - 08/2004

    Éditorial                                          Septembre 2004                                      N° 9

Dans le numéro de mars du magazine Diapason, nous pouvions lire une interview assez étonnante que Kristian Zimerman a accordée à Jérôme Bastianelli. Elle avait comme intitulé : « Les paradoxes d’un virtuose ». Un titre on ne peut mieux choisi, tant les positions du talentueux pianiste polonais peuvent y paraître singulières. Doté de toute évidence d’un naturel perfectionniste (cela transpire tout au long de l’interview), lorsque le journaliste l’interroge sur les nouveaux formats d’enregistrement, le musicien lui répond (en parlant du Super Audio CD) :
« … on fait en général une erreur classique : penser qu’avec plus de transparence, plus de son, on aura davantage de musique. Au contraire, lorsqu’il prend la première place, le son tue l’art. La musique, ce n’est pas un assemblage de sons, mais une imagination créée par notre cerveau à partir de ceux-ci. Quand je reçois un nouveau disque, je l’écoute dans ma voiture, et je suis très content du bruit de fond : je peux me concentrer sur la musique, je ne suis pas hypnotisé par la qualité sonore. Vous me demandez si je suis perfectionniste, mais vous devriez également demander aux producteurs de disques pourquoi ils ont besoin d’équipements si perfectionnés ! Je n’étais pas aussi exigeant qu’aujourd’hui avant d’enregistrer en studio et d’entendre ainsi toutes les erreurs que je commets ! Car en ce qui me concerne, le format MP3 me suffit, et je suis heureux de le voir émerger. »
Quelques lignes plus bas, lorsqu’on lui demande s’il n’avait pas souhaité que certains de ses premiers disques soient retirés du marché, pour des raisons de prise de son, sa réponse est la suivante : « J’étais très naïf lorsque j’ai commencé à enregistrer. La solitude dans le studio, la subjectivité des microphones, la précision de la technique : je ne m’étais jamais entendu comme cela. Si bien que je ne me suis pas reconnu. Il m’a fallu dix ans pour m’habituer à l’électronique, savoir comment l’apprivoiser. Par certains côtés, elle est bien supérieure à mes besoins, mais par d’autres (les micros et les enceintes), elle ne l’est pas assez. À cette époque, j’étais l’esclave des machines, j’adaptais mon jeu au micro plutôt que d’essayer de faire l’inverse. Voilà pourquoi ces premiers enregistrements ne me semblent pas assez bons pour être encore publiés. »

Personnellement, j’ai toujours pensé que la haute-fidélité était un moyen technique au service de la musique et non l’inverse. Ce qui fait la principale qualité d’un système audio, c’est justement qu’il doit nous restituer les particularités et les émotions dégagées par le jeu des interprètes et il s’avère que si la dynamique est tronquée, que si la transparence est moyenne et que les timbres ne sont pas correctement restitués, le plaisir d’écoute ne sera certainement pas aussi intense. Même si cela n’enlève en rien à la qualité de l’interprétation. Il ne s’agit pas de tricher, mais seulement de restituer le plus fidèlement possible la nature de l’interprétation.

Effectivement, un excès de technologie ne garantit pas forcément une prise de son réussie. C’est d’ailleurs souvent le contraire. Par contre dans un enregistrement, il n’y a pas « trop » ou « pas assez » de son ; il y a du beau son et du moins beau et de tenir ce genre de propos me parait pour le moins incongru, ne serait-ce que par respect pour l’instrument ! Et si votre voisin, lors d’un récital du Maître s’endort et se met à ronfler, ne le réveillez surtout pas, ce « bruit de fond » vous aidera sûrement à vous « concentrer » sur la musique…

Pour le démontrer, ce mois-ci sur mon site, la preuve par huit que perfection artistique et technique peuvent se conjuguer afin de nous procurer ces sensations si essentielles à notre bien-être. Huit nouveautés parmi lesquelles figure un triple compact réunissant les neuf derniers quatuors de Haydn. Interprétés sur instruments d’époque, ces chefs-d’œuvre – dont le célèbre « Empereur » – sont d’une telle ampleur qu’ils vous donneront l’irrésistible envie de connaître l’ensemble des quatuors que le compositeur autrichien a composé.

Attaingnant fut l’un des premiers éditeurs de musique français. Il s’établit à Paris en 1514. De ses publications pour le luth seul, ce disque nous dévoile sous de très belles mélodies toute l’inventivité et les dispositions de ce compositeur trop méconnu. Hopkinson Smith en est le traducteur le plus avisé et son enregistrement mérite une place de choix dans toute discothèque de musique de la Renaissance.

Ne passez pas non plus à côté du Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre), dernier enregistrement de Pierre Boulez qui complète ainsi son intégrale des symphonies de Gustav Mahler. Alors que le destin semble s’acharner sur lui, Mahler, comme par exorcisme écrit un hymne à la nature et à l’existence d’un l’humanisme débordant qui nous touche au plus profond. On reste admiratif devant les qualités orchestrales d’une telle composition. Comme devant toutes partitions mahlériennes, Pierre Boulez est ici dans son jardin. Laissons-le jardiner et sachons déguster ses fruits !

T. HERVÉ - 09/2004

    Éditorial                                            Octobre 2004                                       N° 10

Cela fait maintenant un an que mon site vous est accessible et vous êtes de plus en plus nombreux à le visiter. Soyez-en remerciés. Lors de sa mise en ligne, il ne comportait que 27 références. Avec l’ajout mensuel de 8 nouveautés, ce nombre est à ce jour de 123. Depuis, j’y ai apporté quelques améliorations afin de le rendre plus attractif en ayant toujours comme souci, dans la mesure du possible, de tenir compte de vos observations. C’est pourquoi je vous encourage à continuer de me contacter pour me faire part de vos remarques, car, bien que j’y prenne beaucoup de plaisir (et y passe énormément de temps), ce site est avant tout fait pour vous.

Ce numéro d’octobre est d’ailleurs dédié à l’un d’entre vous, fidèle et aimable visiteur de soixante-huit ans, heureux propriétaire d’une collection de plus de 4500 vinyles. M’ayant suggéré certains labels qui ont marqué l’histoire du disque, je vous propose exclusivement ce mois-ci des rééditions en compacts disques d’enregistrements des années 50 et 60. Bien que d’une qualité assurément inférieure aux microsillons d’origine vendus de nos jours à prix d’or, il est agréable de constater que leur transfert sur support numérique n’a pas été négligé. Ce travail colossal a nécessité la restauration du matériel analogique employé à l’époque, ainsi que la restauration des bandes masters. Cela nous vaut des disques d’une valeur artistique incontestable, bien souvent à prix économique, et qui nous gratifient d’écoutes tout à fait différentes de celles auxquelles nous sommes habitués. Comparés à la « perfection aseptisée » d’une grande partie de la production discographique actuelle, ces enregistrements analogiques, même s’ils ne sont pas dépourvus de défauts, nous immergent dans un environnement où la Musique reprend toutes ses lettres de noblesse.

Parmi ces grands labels, j’ai choisi huit enregistrements symphoniques s’étalant de 1954 à 1963. Ceux-ci se rajoutent au premier enregistrement stéréophonique de Decca de 1954 chroniqué en février : le fameux Shéhérazade de Rimsky-Korsakov par Ernest Ansermet à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande qui avait déjà séduit bon nombre d’entre vous.

Lorsqu’on évoque cette période, de grands noms nous viennent aussitôt à l’esprit, notamment celui de Frizt Reiner (1881-1963). Ce chef hongrois dur et intransigeant a su marquer son époque par la qualité de ses interprétations qui encore aujourd’hui sont d’actualité. Ses nombreux enregistrements à la tête du Chicago Symphony Orchestra pour le label RCA sont devenus légendaires, qu’ils soient édités dans la série Red Seal Gold ou Living Stéréo.

C’est en 1954 que cette firme américaine effectua sa première prise de son en stéréophonie. Il faudra néanmoins attendre 1958 pour que le matériel d’écoute domestique puisse bénéficier de cette avancée technologique. Entre-temps, les ingénieurs poursuivirent leurs efforts, enregistrant désormais sur deux et trois pistes. Ils utilisaient des micros cardioïdes Neumann U47 et omnidirectionnels Neumann M49/50. Lors des enregistrements sur trois pistes, un magnétophone à tubes Ampex 300 était utilisé sans équalisation. Les trois pistes étaient ensuite soigneusement réparties sur deux. Cela nous vaut des enregistrements d’un naturel inouï. Une image très large restituant l’orchestre dans sa vraie dimension et une véracité des timbres sont les caractéristiques majeures de ce label. Peut-être moins démonstratifs que d’autres, ils seront très appréciés de ceux qui fréquentent les salles de concert.

Plus impressionnants encore sont les disques du label Mercury qui fut créé en 1945. À partir de 1950, celui-ci recrute un ingénieur du son qui en fera toute la réputation : C. Robert Fine. Un partenariat fructueux s’établit alors avec les chefs Antal Dorati (Orchestres Symphoniques de Londres et Minneapolis) et Paul Paray (Orchestre Symphonique de Détroit). Sa technique d’alors consistait à suspendre à neuf mètres au-dessus du chef un seul micro à tubes Telefunken 201. Le résultat obtenu était alors miraculeux. Un relief saisissant évoquant une « réelle présence » qui collera désormais au nom du label. À partir de 1955, Mercury réalise ses premiers enregistrements stéréophoniques sur magnétophone Ampex à deux pistes. Ensuite, Robert Fine conçut avec Ampex un système à trois pistes utilisé conjointement avec une console de mixage Western pour la conversion en deux pistes et dès 1961, les enregistrements furent effectués sur bande de 35 mm.

Qu’ils soient réalisés seulement à partir d’un ou de trois micros, l’écoute de ces disques représente une expérience unique. L’espace et la profondeur nous sont restitués comme jamais. Certes, la bande passante peut parfois paraître tronquée aux deux extrémités, et sur certaines prises le souffle est présent, mais que ces écoutes puissent nous faire réfléchir sur notre époque. À l’heure où certains s’appliquent à mettre en œuvre des systèmes multicanaux, il peut être judicieux de se remémorer cet âge d’or afin de relativiser les besoins que nous crée parfois notre société de consommation.

Aussi, il est terriblement navrant de constater qu’aujourd’hui le passé manque au présent. Osons seulement espérer que le futur ne manquera pas d’avenir !

T. HERVÉ - 10/2004

    Éditorial                                          Novembre 2004                                      N° 11

Parfois, lors de la lecture de magazines spécialisés, on peut lire de tel ou tel matériel qu’il s’adresse davantage aux mélomanes qu’aux audiophiles, ou bien l’inverse.

Selon la définition du Petit Larousse, un mélomane est un amateur de musique et un audiophile est une personne passionnée par l’électroacoustique. Malgré sa richesse, la langue française n’a pas prévu de terme spécifique pour définir un individu combinant ces deux passions. Sans doute ne sommes-nous pas assez nombreux.

Et pourtant les deux sont intimement liés. Cette association peut être entièrement bénéfique dès lors qu’elle résulte d’un même but, à savoir la mise en valeur de la musique. Seulement lorsqu’il doit juger des qualités d’une chaîne haute-fidélité, l’audiophile pur et dur va tout naturellement faire l’inventaire de ses capacités à restituer l’étendue du registre, l’équilibre des fréquences, la transparence, le relief, la dynamique… réduisant ainsi la musique en une sorte de radiographie auditive. Cette méthode de jugement, froide et analytique est justement à l’opposé de ce que la musique doit provoquer chez l’auditeur. Ce qui nous amènera à nous demander sur quels critères doivent reposer nos commentaires.

Que ce soit pour choisir l’élément d’un système ou pour évaluer la qualité d’une prise de son, nous avons besoin de temps en temps d’étalonner notre sens auditif. Le meilleur moyen pour y parvenir est la fréquentation régulière des salles de concert. L’écoute de musique acoustique en direct et dans de bonnes conditions est indispensable et servira le moment venu de référence pour formuler un avis objectif. Aussi, ne sous-estimons pas notre mémoire auditive, elle est bien plus grande que l’on croit.

Il est d’ailleurs assez paradoxal lorsque l’on sait qu’une des principales, sinon la principale vertu, d’un système audio de qualité est justement son pouvoir à reproduire la musique de telle manière que l’on n’ait pas envie de s’étendre sur des considérations techniques. Si l’on considère en plus qu’une des caractéristiques essentielles d’une chaîne haute-fidélité est justement son aptitude à reproduire la qualité des silences, il est préférable de se laisser aller à écouter des musiciens jouer, plutôt que des haut-parleurs travailler.

Que penser alors des systèmes audio-vidéo tant on sait que l’image distrait l’esprit ! Comme le proverbe chinois nous le rappelle  : « L’homme est aveugle ; seul l’esprit voit. »

Pour vous aider à y « voir » plus clair, je vous offre encore ce mois-ci une sélection de très grands enregistrements qui feront, j’en suis sûr, l’unanimité aussi bien dans le camp des audiophiles que dans celui des mélomanes.

Nous le connaissions dans Chopin et l’attendions impatiemment dans Brahms. L’attente ne fut pas vaine. Evgeny Kissin signe ici une version de référence de la grande Sonate en fa mineur. Un disque de piano magistral et indispensable quelle qu’en soit le nombre de versions dont vous disposez.

Décidément, le label Alia Vox fait fort ! Après vous avoir récemment proposé le « Homenatge al misteri d’Elx » joué par la Capella Reial de Catalunya et Jordi Savall, cette fois c’est seul que le gambiste nous fait découvrir les œuvres de Sainte-Colombe, le fils. Bien qu’austère, cette musique à un pouvoir de séduction incontestable qui fait qu’à chaque instant notre sensibilité est sollicitée.

Une mention spéciale concernant le disque des messes de Josquin Desprez sur le thème de « l’homme armé ». Ces compositions d’une extrême beauté sont « divinement » interprétées par l’Ensemble A Sei Voci renforcé par la Maîtrise des Pays de Loire. La prise de son de Jean-Marc Laisné réalisée dans la désormais mythique Abbaye royale de Fontevraud, confirme, s’il en était besoin, qu’il est actuellement l’un des tout meilleurs ingénieurs du son. Ne passez donc pas à côté de ce bijou. Pendant son écoute, le simple fait de penser à des considérations techniques vous semblera vulgaire !

T. HERVÉ - 11/2004

    Éditorial                                          Décembre 2004                                      N° 12

Avant d’être capable de créer son environnement sonore, l’homme a été soumis à celui que la nature lui offrait. Plus tard, par simple instinct de survie, et comme toute espèce animale, celui-ci a su développer son sens de l’écoute afin de se protéger des nombreux dangers.

C’est pour se donner du courage et pour faire fuir ses prédateurs que l’homme a ensuite généré ses propres sons. Certes, ses frappements de mains, de pieds sur le sol, ses percussions de bois et de pierres ainsi que ses cris ne résultaient pas d’une volonté artistique, mais ils ont eu le mérite insidieux de lui faire comprendre que les sons peuvent être associés à certains événements de la vie. Les cris pendant les combats ne sont pas les mêmes que ceux qui acclament le retour du chasseur. La croyance compensant l’ignorance, c’est lors de cérémonies et de danses rituelles vouées aux Esprits, que l’homme a acquis le sens du rythme.

Ce n’est que bien plus tard (environ au VIe siècle av J.C.) que naîtra à proprement parler l’art musical. Que les Égyptiens l’utilisent lors de cérémonies religieuses, ou que les Romains l’associent davantage aux divertissements, la musique prendra une place de plus en plus importante, les musiciens acquérant d’ailleurs une certaine notoriété.

Néanmoins, l’histoire nous prouve que si la musique est avant tout un art voué aux plaisirs des sens, certaines personnes sauront s’en servir comme un outil de pouvoir (Louis XIV avec Lully) et politique (Staline avec Shostakovitch).

De nos jours, qu’est-elle devenue ? A-t-elle toujours pour vocation principale celle de nous divertir ?

Notre ère moderne et cupide détourne la musique de sa principale fonction et l’utilise souvent dans un but mercantile, aussi bien dans la publicité et la télévision que dans une partie de l’industrie du disque. Certains « talents » d’aujourd’hui, propulsés par les médias, sont à l’inverse de ceux d’autrefois. Ces artistes artificiels et stéréotypés sont célèbres et riches avant d’avoir créé quoi que ce soit et sont ensuite délaissés ; Mozart et Schubert sont morts dans la misère et vénérés bien plus tard !

Comme consommateurs, nous avons la possibilité par nos achats de supporter ceux qui défendent (il en reste) les valeurs fondamentales de la musique. Chaque année, de nouveaux artistes talentueux apparaissent assistés par des maisons de disques qui possèdent un véritable sens déontologique. Bien que la tolérance doive demeurer l’une de nos principales vertus, appliquons-nous à notre modeste niveau à ce que ce soit, la demande qui crée l’offre et non l’inverse.

Au début de son histoire, la musique n’était qu’un ensemble de bruits et de sons. À travers les différentes époques qu’elle a traversées, elle s’est diversifiée et a évolué. Souhaitons tout simplement qu’elle ne subisse pas à présent une évolution récessive !

René Jacobs, quant à lui, n’est pas un débutant ; c’est le moins qu’on puisse dire ! Comme pour nous démontrer que l’expérience et le travail sont les minimums nécessaires pour pouvoir atteindre le sommet, vient de paraître sa version de l’ultime oratorio de Haydn Les Saisons. Il y déploie tant de force et d’enthousiasme que l’œuvre en est métamorphosée. Sous sa baguette, la partition prend une dimension d’une ampleur jamais atteinte. Ce double compact disque à la présentation très soignée est incontestablement un des disques les plus importants de cette année.

Autre nouveauté, sans doute moins indispensable, mais quand même très intéressante, les Divertimenti de Salzbourg de Mozart par l’Ensemble Philidor jouant sur instruments anciens. Ces pièces, exclusivement destinées à la famille des instruments à vent, nous offrent la possibilité d’en savourer toute la richesse et la beauté des timbres qui passent bien souvent en second plan, comme « noyées » dans l’orchestre. Un disque délicieux qui prendra toute sa valeur sur une installation haute-fidélité à la hauteur.

Les autres nouveautés de ce numéro ne déméritent pas. De la musique médiévale à l’opérette viennoise, de l’éventail assez étendu que je vous propose encore ce mois-ci, le choix ne sera pas facile. Toutefois, ne vous tourmentez pas si vous ne vous pouvez pas toutes les acquérir ; contrairement à certaines musiques lyophilisées, le temps n’aura pas beaucoup d’impact sur ces disques. Les effets de mode n’ont jamais eu beaucoup de succès dans la musique classique.

T. HERVÉ - 12/2004