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Éditoriaux de l’année
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Éditorial Janvier 2005 N° 13 |
Chaque début d’année est l’occasion pour chacun de faire le point sur celle écoulée, tout en émettant des souhaits pour celle à venir. Mises à part les sempiternelles décisions d’arrêter de fumer et les plus qu’hypothétiques espoirs de voir le prix des disques baisser, espérons tout simplement que cette nouvelle année aura la potentialité de nous faire découvrir de nouveaux disques de qualité.
Depuis quelques années, on constate que le nombre de nouveautés discographiques dans le secteur qui nous intéresse est moins important qu’auparavant. Les responsables des maisons de disques tentent de plus en plus souvent de canaliser nos choix vers certains produits de plus grande consommation. Une façon de continuer à vendre un maximum de disques malgré la réduction de l’offre. C’est ainsi qu’à grand renfort de publicité, les grands noms des différentes firmes se trouvent propulsés en tête des ventes, leurs disques placés bien en évidence dans les piètres linéaires des hypermarchés.
La crise du disque a aussi contraint les responsables du marketing à reconsidérer le compact disque afin de le rendre plus « vendable ». Il suffit de regarder les pochettes de plus en plus aguicheuses des enregistrements actuels des stars des labels pour s’apercevoir qu’en plus de leur talent, les artistes doivent mettre en avant leur physique – du moins s’ils en ont les capacités.
Aussi, sous la forme d’une audacieuse métaphore, je me risquerais à comparer la galette argentée que constitue le compact disque à la toile d’un peintre. Pour mettre en valeur leurs œuvres, on a eu recours aux encadrements. Certains éditeurs de disques ont compris qu’en valorisant la présentation de leurs produits, cela les ferait se vendre plus facilement. Pour cela, ils ont avantageusement remplacé le traditionnel boîtier en plastique par une agréable couverture cartonnée nommée digi-pack.
Précurseur, le label Alpha, sous une présentation extrêmement séduisante, va même jusqu’à associer la musique aux œuvres picturales, relativisant ainsi mon imagination fantaisiste. Une partie non négligeable du livret est consacrée à une analyse contextuelle du tableau figurant sur la couverture avec comme postulat final « La musique est peinture, la peinture est musique ». Alia Vox, Ambroisie, Naive, Accent et depuis peu Zig-Zag Territoires : ils sont chaque année plus nombreux à adopter ce type de présentation.
Soyons honnêtes, personne ne regrettera les anciennes pochettes de la Deutsche Grammophon (pour ne citer qu’elle), sur lesquelles figuraient les artistes dans des positions plus ou moins conventionnelles. À l’époque, la musique classique n’a jamais autant manqué d’imagination que dans la réalisation des pochettes de ses disques. Dans ces conditions, il n’était sûrement pas facile d’attirer les néophytes vers ce répertoire.
Seulement, nous vivons à une époque où l’image est plus importante que le son et même si le plaisir de posséder un bel objet peut en faciliter l’achat, comme consommateur ne nous laissons pas manipuler. Sachons conserver notre esprit critique et même si parfois l’emballage peut nous sembler désuet, sachons privilégier le contenu plutôt que le contenant. Par ailleurs, reconnaissons quand même qu’il n’est pas désagréable d’avoir entre les mains les photos de Renée Fleming ou de Magdalena Kožená.
Faisant abstraction de ces critères esthétiques, cette première sélection de l’année s’articule principalement autour de la musique baroque instrumentale. La moitié y étant consacrée.
En novembre dernier, je vous conseillais le superbe volume que Jordi Savall avait consacré aux Six Suites pour basse de viole du Sieur Sainte-Colombe, le fils. Il m’était impossible de faire l’impasse sur son complément direct : Les Pièces de viole du Second Livre de Marin Marais. Livrés ensemble sous forme de coffret ou séparément, ce sont des pièces maîtresses pour nos discothèques de passionnés.
Du même label Alia Vox, un disque sur la musique de Jean-Batiste Lully qui vous replongera dans l’univers du célèbre film de Gérard Corbiaud, « Le Roi danse », qui mettait l’accent sur les relations ambiguës entre Louis XIV et l’ambitieux compositeur.
D’un abord plus difficile et dans un registre totalement différent, ne manquez surtout pas le double compact disque qu’Alexandre Tharaud vient de consacrer à l’Œuvre pour piano de Maurice Ravel : un de ces disques qui rassemblent une interprétation superlative et une présentation tout aussi réussie. Un disque sublime qui démontre qu’il arrive que le contenant soit à la hauteur de contenu.
T. HERVÉ - 01/2005
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Éditorial Février 2005 N° 14 |
Dans son recueil de poèmes « Lords and the new creatures » Jim Morrison écrivait : « Films are collections of dead pictures which are given artificial inseminations » (Les films sont des collections d’images mortes auxquelles on donne l’insémination artificielle). La même métaphore pourrait être apposée à la musique.
Une partition contient de la musique, mais sous cette forme celle-ci est stérile. De ce fait, seul le musicien détient l’immense pouvoir de lui donner la vie. Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est lui aussi qui lui donne la mort ! La musique n’a pour seule durée de vie que le temps d’extinction de ses notes. Sitôt envolées elle deviendra un souvenir plus ou moins bon et plus ou moins long en fonction de ce qu’elle aura été.
Dès lors, notre passion pour la musique ne serait pas tout à fait la même sans le talent de quelques personnes dont le rôle est de la ressusciter une fois son exécution terminée. Je veux bien sûr parler des ingénieurs du son. Travailleurs de l’ombre, leur tâche est pourtant vitale aussi bien pour les musiciens que pour les mélomanes que nous sommes. Il serait en effet injuste pour l’artiste de voir son interprétation trahie par une mauvaise prise de son comme on pourrait juger anormal de lui attribuer certains défauts d’interprétation alors qu’ils seraient essentiellement imputables à un défaut d’enregistrement, d’où le rôle vital occupé par l’ingénieur du son. Certains artistes comme Jordi Savall l’ont compris depuis bien longtemps.
L’un d’entre eux, vous l’avez sûrement remarqué, est à l’origine de nombreux enregistrements présents sur mon site. Il s’agit de l’incontournable Nicolas Bartholomée.
Fondateur de Musica Numeris en 1989, sa collaboration étroite avec certains artistes comme Pierre Hantaï et Jordi Savall, pour ne citer qu’eux, porte sa participation à plus de 500 CD. Ses lieux favoris pour effectuer ses enregistrements sont la Collégiale du Château de Cardona en Catalogne et l’auditorium Tibor Varga à Sion, en Suisse. Tout comme celles du regretté Thomas Gallia dont il est un fervent admirateur, ses prises de son sont en général aisément reconnaissables. Elles mettent en avant la particularité sonore des instruments en ayant comme soucis le respect des timbres et une grande transparence. L’environnement acoustique y est particulièrement bien restitué et l’ensemble se révèle précis et naturel, ce qui confère à ses disques une réelle sensation de présence, de musique « vivante ».
Afin de promouvoir le talent de certains jeunes artistes, ce n’est pas sans une certaine audace qu’ en 1999, il crée son propre label, Ambroisie. Chaque année, environ une dizaine de disques y est éditée et bon nombre d’entre eux sont régulièrement salués et récompensés par la presse spécialisée.
Pour mettre en avant toutes ses capacités, j’ai choisi de vous faire partager ce mois-ci des disques que je considère comme faisant partie de ses tout meilleurs enregistrements. Un numéro spécial Nicolas Bartholomée.
Les deux disques de Vivaldi, les 12 Concertos, op. 3 L’Estro armonico par Fabio Bondi (Virgin) et les Concertos pour hautbois, basson et cordes par L’Armonia e l’Inventione (Astrée), ont été enregistrés dans deux endroits différents. À l’écoute, cela doit se sentir immédiatement et représente en cela un bon test pour évaluer l’aptitude de votre système audio à produire les particularités acoustiques des enregistrements.
Le clavecin est un instrument difficile à bien enregistrer. Sa puissance acoustique n’est pas très élevée, mais sa richesse acoustique l’est d’autant plus qu’il est alors tentant pour le preneur de son de rapprocher ses micros. Seulement sa mécanique produit beaucoup de bruits parasites et c’est donc un véritable casse-tête d’arriver à un bon compromis avec ces multiples contraintes. Pour le disque de Frescobaldi, Nicolas Bartholomée réussit le sans-faute. Un parfait équilibre entre la puissance, la définition et la spatialisation. Un superbe compact disque que je vous enjoins d’écouter à niveau d’écoute en rapport avec l’instrument. La dynamique d’un système repose aussi sur ses facultés à rester défini et nuancé à faible volume.
Autre merveille à découvrir si vous ne la connaissez pas encore, « La Cambiale di Matrimonio » de Rossini est une œuvre légère et étincelante qui bénéficie d’une qualité technique remarquable. La personnalité acoustique de la Salle Wagram vous saute littéralement aux oreilles. La transparence et la dynamique sont exemplaires. Un disque émoustillant incontournable.
Les quatre autres ne déméritent pas, notamment le Mozart d’Anne Quéffelec qui allie le goût et la passion de l’interprète à la volonté de l’ingénieur du son à vouloir envelopper ce délicieux moment d’un papier-cadeau que l’on prendra plaisir d’ouvrir à chaque nouvelle écoute. Du grand art.
Merci Monsieur Bartholomée, les audiophiles mélomanes que nous sommes vous doivent tant !
T. HERVÉ - 02/2005
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Éditorial Mars 2005 N° 15 |
Cet éditorial de Mars est pour moi l’occasion de faire un nouveau point sur l’évolution de mon site. D’abord, mille excuses à ceux d’entre vous qui ont rencontré des problèmes lors de leurs visites le mois dernier. Ces perturbations étaient dues au fait que le nombre de disques augmentant tous les mois (actuellement 163), le menu « Répertoire » prenait de l’embonpoint et perturbait parfois le bon affichage des pages. Ne pouvant me résoudre à le supprimer, j’ai décidé de fractionner les pages en deux parties. Celle de gauche est attribuée à la navigation sur le site, celle de droite reçoit uniquement le menu de recherche par index. Initialement inclus dans chaque page, ce menu est désormais indépendant et chargé une seule fois au début de la visite. Cela augmente de façon significative la vitesse de chargement des pages, la navigation s’en trouvant ainsi améliorée.
De plus, comme j’ai eu plusieurs fois l’opportunité de vous le dire, je me suis toujours demandé si la sonorisation de mon site était une bonne chose. Bien que dans l’ensemble vos avis étaient plutôt favorables, certains pensaient que le fond sonore correspondait au disque chroniqué tandis que d’autres, ayant pour habitude d’écouter de la musique sur leur ordinateur, en étaient agacés. J’ai donc définitivement choisi de supprimer la sonorisation du site, ce qui, là encore, fera gagner en rapidité ceux d’entre vous qui n’ont pas encore la chance de bénéficier du haut débit.
Une ultime précision afin de mentionner à ceux qui n’ont pas pris connaissance du contenu de la page de présentation du site que celui-ci a pour vocation de compiler des disques qui, selon moi, allient une qualité artistique et une prise de son irréprochables. Il m’est dès lors impossible de satisfaire la requête de ceux qui me demandent de leur communiquer quels en sont les meilleurs. À ce niveau de perfection, qu’il soit audiophile ou mélomane, chacun doit y trouver son bonheur en fonction de ses affinités musicales ou de ses goûts pour la découverte. Cette parenthèse étant faite, maintenant, place à la musique.
Parmi les huit disques exceptionnels qui composent la sélection de ce mois-ci, je souhaiterais attirer votre attention sur le récent enregistrement du violoniste Maxime Vengerov efficacement soutenu au piano par Ian Brown. Le thème de ce récital repose sur des œuvres virtuoses écrites pour le violon, leurs difficultés d’exécution contribuant à en venter les extraordinaires capacités musicales. Techniquement, on savait Maxime Vengerov à la hauteur d’une telle « tâche » et même au-delà, le risque étant justement de trop en faire. Ici, point de doute, il réussit à dompter savamment l’énorme potentiel dont il dispose laissant s’exprimer librement son immense sensibilité musicale. Bref, un disque d’un duo vertigineux qui prendra naturellement place au milieu ou plutôt au sommet d’une discothèque consacrée au violon.
Plus ancien, je vous recommande chaudement « The Harp of Ludivíco », un disque essentiellement consacré à la harpe. L’époque retenue pour ce récital est celle de Frescobaldi et de ses prédécesseurs. Andrew Laurence-King nous donne la possibilité d’explorer la palette sonore de son merveilleux instrument grâce il est vrai, à une prise de son de toute beauté. Réalisée à une distance idéale, elle place la harpe bien au centre, en faisant ressortir toute sa richesse harmonique. Sous un niveau sonore précis, et variable selon le local d’écoute et le type d’enceinte utilisé, on obtient une scène sonore très réaliste, sans les inévitables surdéfinitions des prises de son trop rapprochées. Une véritable prouesse.
Datant de la même époque, mais nullement démodé, la superbe version des célèbres Toccatas et Fugues de Johann Sebastian Bach qu’André Isoir enregistra en 1993 sur le magnifique orgue de l’Abbatiale de Saint-Cyprien-en-Périgord. Au-delà de cette superlative interprétation, l’écoute de ce disque nous donne l’illusion d’être au pied de l’instrument ou alors que celui-ci serait rentré dans notre domicile ! Non, la prise de son n’est pas à mettre à l’actif du célèbre magicien David Copperfield. Elle est l’œuvre d’Igor Kirkwood à qui l’on doit déjà de magnifiques enregistrements. Attention, l’écoute de ce disque est grisante et l’on se laisse volontiers aller à monter le niveau sonore. Avant de tenter l’expérience, évaluer les capacités de votre matériel à supporter ce genre d’aventure et désolé pour ceux qui vivent en appartement, ils vont devoir attendre cet été que leurs voisins partent en vacances !
T. HERVÉ - 03/2005
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Éditorial Avril 2005 N° 16 |
Tout au long de son évolution, la musique a dû faire face à de nombreuses offensives, ayant toutes pour conséquence indirecte, une atteinte à sa prédominance. Très tôt associée à la danse, sa capacité à provoquer chez nous une émotion auditive entra insidieusement en concurrence avec celle du plaisir visuel. Même si souvent dans ces rapports, le pouvoir de la musique s’en trouvait conforté, cette diversion des sens constituait les prémices d’un « harcèlement » qui allait se confirmer tout au long des siècles à venir.
Au début du XVIIe siècle, c’est son goût immodéré pour le divertissement et la nouveauté qui conduisit l’homme à fusionner deux arts bien distincts : le musical et le théâtral. Comme si désormais, la musique ne se suffisait plus. Et ce n’est pas la circonspection de Lully, pourtant italien, qui put empêcher cette association, que certains, moins frileux, n’avaient de cesse de vanter. Dès lors, débouté de tout argument, son talent pour l’écriture des notes sera mis à contribution pour assister son partenaire, Molière, expert dans l’écriture des mots. L’opéra était né.
Quatre cents ans plus tard, c’est une nouvelle forme d’art qui utilisera le potentiel émotionnel et subjectif que procure la musique. Le cinéma, car c’est bien de lui qu’il s’agit, détournera encore davantage la musique de sa vocation initiale.
En réalité, l’idée d’associer de la musique aux images en mouvement est antérieure à l’avènement du cinématographe. Thomas Edison avait déjà cherché à coupler le phonographe avec le kinétoscope alors qu’Émile Reynaud projetait, depuis octobre 1892, au musée Grévin, ses pantomimes lumineuses, ancêtres des dessins animés. Ces spectacles étaient accompagnés de mélodies spécialement écrites par Gaston Paulin, compositeur réputé de l’époque. Les projections profitèrent d’un accompagnement musical au piano, peu après qu’un instrument eut été installé dans une salle attenante pour faire patienter les spectateurs dans l’attente de la prochaine séance, et non pas, comme il a été souvent avancé, pour couvrir les bruits du mécanisme de projection.
Quelques grands noms de la musique s’associeront à cette entreprise. De Korngold à Herrmann en passant par Chostakovitch où Honegger, nombreux sont ceux qui prirent au sérieux la composition pour le cinéma. Malheureusement, la place consentie à la musique par les producteurs de l’époque était bien faible et n’arrivait bien souvent qu’en fin de leurs priorités. Bien que son rôle soit d’augmenter la capacité expressive de l’image, la musique fut trop fréquemment considérée comme du « papier d’emballage » et il fallut attendre l’apparition de rares réalisateurs profondément passionnés et inspirés pour qu’elle prenne au sein d’une œuvre une place prépondérante.
Puis vint l’ère de la « culture télévisuelle ». Cette forme de propagande par l’image ne laisse que peu de place à la musique. Je veux bien sûr parler de celle qui nous anime au quotidien. Celle pour laquelle nous consentons à tant de sacrifices et grâce à laquelle vous vous trouvez en ce moment à lire ces quelques lignes. Jamais auparavant elle n’aura été autant galvaudée. Comme pour se faire pardonner, les sociétés de programmes des grandes chaines audiovisuelles nous jettent aléatoirement en pâture quelques émissions tardives et ringardes, allant même jusqu’à diffuser annuellement, à une heure de grande écoute, un divertissement dédié à la musique classique. Ne nous y trompons pas. On veut nous faire croire que c’est une victoire, mais ne doit-on pas y voir une fois de plus une attitude opportuniste à l’encontre de celle qui nous est si chère ?
Malgré ces assauts répétés, la musique résiste, mais elle s’affaiblit chaque fois davantage. Au-delà de la tolérance dont nous devons faire preuve face à ces adversaires perfides, nous avons la possibilité de participer à la défense de sa cause par le choix judicieux de nos disques et par la fréquentation assidue de nos salles de concert et ce, afin de promouvoir en toute indépendance le travail et la qualité d’artistes réellement voués à cette cause.
Afin d’y apporter ma modeste contribution, je vous soumets comme tous les mois, une nouvelle liste de disques qui vous donneront, j’en suis persuadé, l’envie de bouder votre écran de télévision. Je souhaiterais attirer particulièrement votre attention sur les remarquables qualités de l’ensemble La Reverdie dont la rencontre ne laisse jamais indifférent. À chacune de ses réalisations, il nous dévoile toujours avec la même conviction, une des multiples et riches facettes de la musique médiévale. Cette fois, c’est le répertoire des laudes italiennes qui est mis à l’honneur et, incontestablement, ce disque constitue l’un des témoignages des plus pertinents de ce répertoire et qui en font une acquisition prioritaire.
Dans un genre totalement différent, ne passez pas à côté du fabuleux enregistrement des concertos pour un et deux pianos et de la magnifique « Aubade » de Francis Poulenc. Loin d’être marginales, ces pièces constituent un authentique témoignage du patrimoine musical du XXe siècle qu’il serait vraiment dommage d’ignorer.
Et puis ce mois-ci, le sublime et mémorable récital du duo lyrique composé de Cecilia Bartoli et de Bryn Terfel. Ce feu d’artifice vocal vous fera passer de Mozart à Donizetti en passant par Rossini ; Et quel Rossini ! La discographie de Mademoiselle Bartoli en atteste, les œuvres du compositeur italien sont pour elle ce que le parc d’attractions est à l’enfant : une source d’émerveillement et d’épanouissement. Le baryton gallois Bryn Terfel ne démérite pas et l’orchestre de l’Académie Nationale de Sainte Cécile exulte sous la direction ensoleillée de Myung Whun Chung. Bref, comme vous l’aurez compris, ce disque, de surcroît extrêmement bien enregistré, nous donne l’occasion de profiter d’une éclaircie musicale de toute beauté. Dans la grisaille sociale actuelle, la bonhomie de ce disque mérite bien qu’on y consacre une part de notre pouvoir d’achat.
T. HERVÉ - 04/2005
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Éditorial Mai 2005 N° 17 |
Au début des années 80, et durant toutes les années passées à la tête du Ministère de la Culture, Jack Lang a eu parmi ses principales préoccupations de mettre « la culture à la portée de tous ». Loin d’être un souhait démagogique, son ambition était de permettre à tout citoyen, quelle que soit son appartenance sociale ou sa localisation géographique, d’accéder à l’Art et à la Culture, ne les réservant pas exclusivement aux catégories sociales aisées des grandes villes. Démagogique, sûrement pas. Utopique, certainement.
Fer de lance de cette Culture, le disque et son problème récurant : son prix exorbitant. En France, c’est le 1er décembre 1987 sous l’impulsion du ministre de la Culture, François Léotard, que le taux de TVA sur les disques est passé de 33,33 % à 18,6 %. Suite à cette décision, l’année 1988 fut une année remarquable de reprise du marché du disque qui périclitait depuis des années.
Malheureusement, cela ne dura pas. Peu de temps après, le marché retrouva sa morosité d’antan. Les ventes accusant des baisses permanentes et le prix des disques restant élevé, les disquaires indépendants disparurent les uns après les autres, ne pouvant résister à la concurrence des grandes enseignes.
Actuellement, la crise est toujours bien présente nous dit-on. Depuis le temps, légitimement, le consommateur s’interroge : la crise est-elle aussi grave qu’on nous le dit ? Les maisons de disques perdent-elles de l’argent… ou en gagnent-elles moins qu’avant ? Les téléchargements sur Internet sont-ils réellement la cause du marasme économique actuel, et en quoi le téléchargement sauvage menace t-il si gravement la production musicale ? Pourquoi les disques restent-t-ils toujours aussi chers alors que les études menées sur l’élasticité des prix indiquent que le prix est l’élément prépondérant dans la démarche de l’acheteur potentiel ?
Il est, à ce titre, intéressant de préciser que la tendance observée lors d’opérations commerciales « mid-price » ou de simulation d’une baisse de la TVA montre que toute baisse du prix public a un effet dopant sur les ventes. L’effet « nouveauté » passé, les volumes d’achats restent en moyenne très nettement supérieurs aux volumes antérieurement constatés.
Tandis que certains se lamentent, d’autres agissent. Non content d’être imaginatif sur le contenu de leur catalogue et désireux de ne pas rester inactif face à la crise du marché, le label Alpha a décidé depuis le 1er avril d’une baisse de prix générale de son catalogue. Avec comme volonté une harmonisation des prix du disque au niveau européen, une baisse générale du prix de vente supérieure à 20 % a été opérée. Les albums 1 CD sont désormais commercialisés à moins de 20 €, et les nouveautés à moins de 16 € (Prix vert Fnac) et sont même proposés sur le site Amazon.fr au prix plancher de 13,80 € ! Conformer le prix français à celui des autres pays européens est un geste qui traduit une certaine confiance dans la capacité du marché à se redynamiser.
Serait-ce trop que d’imaginer, qu’à l’instar de labels comme Naxos et Brilliant Classics, cette démarche serve de jurisprudence et que ce comportement inaugure une nouvelle politique commerciale des maisons de disques ? Utopique, certainement.
Quoiqu’il en soit, le label Alpha vous donne une occasion à ne pas rater pour compléter votre collection ou vous offrir les références chroniquées sur mon site. Le hasard fait bien les choses, car parmi les nouveautés ce mois-ci, figure justement un enregistrement issu de ce catalogue. Il s’agit du magnifique disque que l’ensemble Stylus Phantasticus a consacré à la musique de Dietrich Buxtehude. Ce superbe compact-disc est doté d’une prise de son exceptionnelle et à ce prix, il représente un des meilleurs achats qui soient.
Un autre disque sur lequel j’aimerais attirer votre attention, c’est celui que le jeune Jerusalem Quartet vient de consacrer à trois purs chefs-d’œuvre de Haydn. Là aussi, la qualité de l’interprétation rivalise avec la qualité de l’enregistrement. Une réalisation absolument sublime qui lui vaut d’être présente d’office sur mon site.
Si vous fréquentez régulièrement mon site, vous avez pu vous apercevoir de l’admiration que j’ai pour l’ensemble de musique médiévale La Reverdie. Le disque que je vous soumets ce mois-ci est consacré entièrement à l’œuvre d’Hildegarde von Bingen. Je vous épargnerai les dithyrambiques adjectifs d’usage pour une telle prestation. Il constitue un excellent remède contre le stress et l’anxiété. Un disque qui devrait être remboursé par la Sécurité Sociale.
T. HERVÉ - 05/2005
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Éditorial Juin 2005 N° 18 |
Comme vous le savez, la vocation de ce site est de vous faire découvrir des disques qui en plus de leurs vertus artistiques avérées, possèdent des qualités d’enregistrement au-dessus de tous soupçons. Pour en apprécier tous les mérites et en donner un avis le plus objectif qui soit, plusieurs paramètres sont à considérer.
Ceux qui viennent bien évidemment à l’esprit, sont le type de matériel qui va servir à la retranscription de cette musique et les propriétés acoustiques du lieu dans lequel nous allons l’écouter. Hormis ces particularités techniques qui méritent toute notre attention et sur lesquelles j’aurais l’occasion de revenir, il existe un élément dont l’importance est vitale sur notre jugement final et qui ne vient pas forcément tout de suite à l’esprit. Je veux parler de notre capacité d’écoute.
En premier lieu, celle-ci repose sur la capacité et les performances de notre système auditif. L’évolution de l’homme préférant lui privilégier la vue, cet instrument est d’une relative complexité, mais relativement sommaire. Il est composé de trois capteurs, chacun calé sur des fréquences bien spécifiques. 400 Hz pour tout ce qui est espace ou dimensions de lieu, 3 000 Hz pour la communication et la parole et 12 000 Hz pour la localisation. De plus, chaque individu, doté de ses propres particularités physiques (forme du pavillon notamment), percevra différemment ces fréquences. Les femmes, qui généralement possèdent des oreilles légèrement plus petites que celles des hommes, percevront mieux les aigus, leur préférant les graves qu’elles perçoivent moins bien. L’âge aussi aura un effet pernicieux sur nos performances auditives. Plus les années s’accumulent et moins les muqueuses internes sont souples, diminuant d’autant l’étendue de la bande passante.
Par ailleurs, quotidiennement et à notre insu, nous sommes soumis à un environnement « musical » rémanent (musiques de supermarché, d’ascenseur, de téléphone) saturant ainsi nos délicates oreilles de mélomanes. Autant d’agressions sonores qui nous conduisent à une passivité d’écoute qui aura comme conséquence logique de brouiller notre réceptivité naturelle le moment voulu. Ne négligeons pas non plus notre état psychologique qui peut avoir une incidence notable sur notre perception. Et bien que la musique soit reconnue pour ses vertus apaisantes, les moments de stress ou d’excitation ne sont pas les meilleurs pour une écoute sereine.
Après ce constat peu rassurant pour la passion qui nous anime, il serait de bon « ton « de relativiser. Inutile de dramatiser et de prendre un rendez-vous chez son ORL et de bouder son hypermarché favori pour faire ses courses sur Internet. Calez-vous confortablement dans votre fauteuil, baissez l’intensité lumineuse (le confort aussi joue sur notre perception) et chargez dans votre lecteur un des disques parmi les nouveautés du mois par exemple. Que votre écoute soit cérébrale ou sensorielle, et même si vous n’avez plus l’acuité sonore de vos vingt ans, laissez-vous pénétrer par la musique. Plus celle-ci sera belle et moins vous aurez envie de vous poser de questions de quel qu’ordre soient-elles. N’est-ce pas là l’essentiel ?
T. HERVÉ - 06/2005
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Éditorial Juillet 2005 N° 19 |
Pour apprécier à leur juste valeur les enregistrements que je vous soumets tous les mois, un système audio de qualité est vivement conseillé. Mais, au même titre qu’une voiture de sport ne délivrera tout son potentiel que sur un circuit adapté, notre chaîne haute-fidélité à besoin pour s’exprimer pleinement d’un environnement sonore adéquat.
On considère à juste raison que le local d’écoute est le premier maillon de la chaîne et peut-être le plus difficile à maîtriser. Certains audiophiles l’ont bien compris et sont allés jusqu’à construire chez eux de véritables auditoriums. Néanmoins, pour la majeure partie d’entre nous, c’est notre salon qui fait office de pièce d’écoute. Sans pour autant engager de profondes modifications et sans mettre en péril notre couple, quelques astuces simples peuvent conduire à en améliorer les propriétés acoustiques.
La première chose à écouter dans une pièce, c’est la qualité de son silence. Celui-ci peut être perturbé par des sources extérieures (voisinage, circulation…), mais aussi intérieures (aquariums, climatiseurs…). Une bonne isolation doit permettre de supprimer tous ces bruits et ainsi conduire à une écoute à plus faible volume avec la même sensation de dynamique.
L’idéal pour une écoute sereine serait de disposer d’une acoustique neutre. Un environnement trop absorbant pouvant se révéler aussi épouvantable que celui trop réverbérant. Cependant dans nos habitations actuelles, riches en matériaux de haute densité (béton, verre, carrelage), nous sommes davantage confrontés à des phénomènes générés par des surfaces réfléchissantes. Contrairement au son direct qui arrive directement des haut-parleurs à nos oreilles, le son réverbéré est celui qui nous parvient après plusieurs réflexions et diffusions dans le local. En aucune façon celui-ci ne doit dominer le son direct. C’est cette différence que l’on nomme « réverbération ». Une réverbération importante nuira à la compréhension et à la précision du message sonore tandis qu’une trop faible, en rendra l’écoute fatigante. On peut aisément l’évaluer dans la pièce par un simple claquement de mains. Un temps de 0,7 seconde est habituellement recommandé par les professionnels du son.
Pour y parvenir, il va falloir corriger cette réverbération. Les parois parallèles de murs lisses sont absolument à proscrire. Le simple fait d’y accrocher irrégulièrement des cadres légèrement inclinés va contribuer à rompre ce phénomène de réflexion. Meubler la pièce de grands canapés, de bibliothèques ouvertes et de tapis, habiller les surfaces vitrées par des voilages épais, voilà des solutions qui permettent à moindres frais de gagner en qualité d’écoute.
Bien sûr d’autres solutions existent. Je passerai sur les égaliseurs de fréquences, car ceux-ci ont une fâcheuse tendance à dénaturer le son. Exception faite peut être des correcteurs qui travaillent à la fois dans les domaines fréquentiel et temporel (SigTech AEC 1000, TacT RCS et TCS), mais dont les réglages sont des plus délicats et les prix des plus dissuasifs. Les meilleurs résultats sont certainement obtenus par la pose de panneaux « RPG ». Ces panneaux, largement utilisés dans les studios d’enregistrement, ressemblent à des étagères (1m20x60cmx20cm) et sont soit de type absorbeurs ou diffuseurs. Fixés à bon escient sur les murs, ils viendront équilibrer l’acoustique du local d’écoute au prix de longs essais et surtout malheureusement, d’une dépense assez importante.
La seule solution pour s’affranchir totalement des défauts acoustiques de sa pièce d’écoute reste l’écoute au casque. Bien que très spectaculaire et analytique, celle-ci n’est pas non plus exempte d’inconvénients et ne serait-ce que pour la beauté des disques sélectionnés ce mois-ci, je peux vous certifier qu’il serait dommage de les écouter égoïstement.
T. HERVÉ - 07/2005
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Éditorial Août 2005 N° 20 |
Un des grands défis de l’homme est de toujours vouloir en faire davantage. Seulement « faire plus » ne veut pas toujours dire « faire mieux » et contre toute attente, c’est parfois le contraire qui se produit. Bien que toute évolution soit irréversible, les biologistes appellent ce développement « l’évolution régressive ». Mais là où la nature s’attache à modifier ce qu’il y a de fondamentale pour elle (l’adaptation), l’homme y a ajouté le superflu, tantôt pour satisfaire à son insatiable curiosité, tantôt par simple et non moins insatiable cupidité.
Malheureusement, notre passion commune n’échappe pas à cette règle. Elle est d’ailleurs à l’origine d’un paradoxe bien connu en haute-fidélité. Il est en effet facile de constater que plus l’on monte en gamme, davantage les différences sonores sont perceptibles : tel matériel est réputé pour sa dynamique tel autre pour sa transparence etc. Alors que chaque fabricant revendique la qualité de ses produits à reproduire la musique dans les meilleures conditions, la logique voudrait justement un resserrement des performances sonores vers le but ultime à savoir la musique telle qu’elle est et non pas comme on aimerait qu’elle soit.
Depuis quelques années déjà, la tendance incite les fabricants de hi-fi haut de gamme à augmenter le pouvoir de transparence de leurs matériels. Le résultat est pour l’auditeur une écoute plus claire et lumineuse et ne le cachons pas, plus flatteuse. Seulement, cet artifice qui consiste à favoriser les hautes fréquences et à donner un son plus « pur » engendre des phénomènes de lassitude. L’expérience aidant, le mélomane saura débusquer cette supercherie et ne se laissera pas prendre au piège.
Cet exemple pour se poser la question de savoir si l’on doit accepter que les concepteurs modifient (adaptent) les caractéristiques de leurs appareils dans un but de satisfaire aux plaisirs de l’ouie quitte à sacrifier l’authentique ?
À défaut d’y répondre par l’affirmatif, on peut néanmoins le concevoir. Un système audio est constitué d’un ensemble d’éléments dont le rendu final dépendra de l’addition des qualités et des défauts de chacun d’entre eux. Il est toujours possible et fortement recommandé de composer sa chaîne en tenant compte des particularités acoustiques propres à chaque élément. Le but étant d’obtenir de ce mariage la cohésion musicale recherchée, le propriétaire devant alors assumer ses préférences.
Plus dommageables, sont les techniques utilisées pour « améliorer » les prises de son. Là où certains ingénieurs du son cherchent à reproduire le plus fidèlement possible l’œuvre musicale, d’autres, incités par de nouvelles prouesses techniques, prennent le risque de la traduire, quelques-uns allant même jusqu’à l’interpréter. Ainsi dénaturée, la musique aura perdu son identité et là aussi, d’une façon irréversible. Les oreilles exercées auront tôt fait de démasquer les opportunistes et sauront reconnaître le travail et les valeurs des professionnels qui respectent la musique. S’il y a prouesse, c’est bien là qu’elle se situe.
T. HERVÉ - 08/2005
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Éditorial Septembre 2005 N° 21 |
Ce n’est un secret pour personne, les ventes de disques de musique classique déclinent tous les ans. En 2004, sa part de marché correspondait à moins de 5 % du chiffre d’affaires total de l’édition phonographique soit une baisse de 50 % en l’espace de 25 ans. L’arrivée du compact disque lui ayant même permis de flirter avec les 15 % de 1986 à 1888. Depuis ces glorieuses années, la chute des ventes est régulière d’année en année.
Le marché actuel du disque classique se répartit en deux groupes bien distincts, chacun ayant une conception et un mode de fonctionnement très différents.
D’un côté se situent les sociétés multinationales qui possèdent un département classique : Universal, Emi, Virgin, Sony/BMG et Warner. Habituées jusqu’aux années 1990 à des résultats importants, c’est à partir de 1992 que le mode de travail de ces sociétés s’est orienté vers le star-system à l’instar d’un autre secteur de leur production qui utilisait déjà cette méthode, je veux bien sûr parler de la variété. Dès lors, les services de marketing prirent une place considérable au sein de leurs projets, souvent au détriment des aspirations artistiques. La volonté de ces multinationales fut alors de s’entourer des artistes et des chefs les plus renommés et de produire un maximum de compilations thématiques de ces « valeurs sûres », jusqu’à sortir des disques de pièces de musique classique par des artistes de variété, certaines stars du classique allant jusqu’à s’encanailler dans cette même variété. Il faut bien reconnaître que ce choix fut efficace, car en 2002, sur les cent meilleures ventes de disques, 63 faisaient partie de cette catégorie de produits issus du marketing et que 83 d’entre eux étaient issus de ces sociétés multinationales (30 par Universal, 20 par Emi, 17 par Sony, 8 par BMG et 8 par Warner). Dans ce même classement, sept autres références étaient des compilations réalisées spécialement pour le compte d’enseignes et vendues à des prix permettant de faire de ces disques des « produits d’appel » (1 euro pour le disque en deuxième position au classement de ces ventes). Néanmoins, ces majors virent régulièrement leurs chiffres baisser. En 2001, Warner Music fut contraint à la fermeture de ses filiales classiques Erato et Teldec, laissant sur le bord de la route de nombreux artistes.
De l’autre côté, se trouvent les sociétés indépendantes dont deux d’entre elles possèdent leur propre service de distribution : Harmonia Mundi et Naïve. La légèreté de leur structure leur permet une flexibilité sur la réalisation de leurs projets et surtout une écoute et une proximité de l’artiste, qui loin de l’analyse marketing, leur confèrent un véritable rôle de défricheurs. Elles sont ce que l’épicerie fine est à la grande distribution.
À la qualité du produit musical s’ajoute dans la plus part des cas une véritable exigence sur le contenu éditorial, sur la prise de son ainsi que sur le « packaging », véritable valeur ajoutée. D’ailleurs, d’illustres artistes sont venus cautionner cette démarche en rejoignant ces jeunes labels. Christophe Rousset chez Ambroisie, Pierre Hantaï chez Mirare ou encore Gustav Leonhardt chez Alpha qui, ultime récompense, sera élu « Label de l’année 2005 » au Midem Classical Awards. Animés par un même désir de qualité, de jeunes labels comme Ramée ou PentaTone Classics, tendent à démontrer qu’en matière d’édition phonographique, la relève semble se mettre progressivement en place.
L’incroyable succès de la Folle Journée de Nantes, où les 18-25 ans représentent 30 % des spectateurs démontre qu’au niveau du public, la relève existe aussi.
Dans son rapport sur le recul du marché du disque de musique classique remis fin 2003 à Jean-Jacques Aillagon - alors Ministre de la Culture - Louis Bricard conclut en ces termes : « La situation est grave, mais pas désespérée ». Espérons que l’avenir lui donnera raison.
T. HERVÉ - 09/2005
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Éditorial Octobre 2005 N° 22 |
Définir la musique avec des mots se révèle être une mission difficile et cruelle. Cet art majeur, comme tous les autres, donne lieu à une expérience avant tout subjective et à laquelle il est difficile de se soustraire. Alors, la musique relèverait-elle de l’ineffable ?
Goethe disait de la musique qu’elle est le langage de l’émotion. Alors, comment définir l’émotion sachant que d’un individu à l’autre, elle ne se manifeste pas de la même manière. L’écoute de « La Jeune Fille et la Mort » de Schubert pourra entraîner certains jusqu’aux larmes, alors que d’autres resteront insensibles à ces cris de douleur.
Pour essayer de comprendre ces différences face aux interprétations, il convient de tenter de définir ce qui distingue les émotions des sentiments. Les émotions découlent d’un bouleversement engendré par une stimulation et s’exprimant par des manifestations corporelles (entre autres, les larmes), tandis que les sentiments sont davantage liés à la perception d’idées et de pensées. Autrement dit : les affects contre le ressenti.
Bien que la musique s’offre au jugement des sens, son but suprême est de provoquer sur l’auditeur des sensations authentiques. La quiétude ou l’angoisse, la joie ou la tristesse, l’inspiration ou l’ennui ne sont que quelques exemples qui démontrent l’étendue de son pouvoir. Du fait de notre appartenance à un groupe social et culturel et de notre propre parcours, ces émotions pourront revêtir des formes différentes, car elles découlent de sentiments qui naissent de notre mémoire, donc de notre expérience personnelle. Ces diverses manifestations peuvent se répartir en plusieurs catégories : celles qui modifient notre comportement physiologique (gorge serrée, chair de poule, voix brisée, larmes aux yeux), et celles qui influent sur notre comportement social (désir de ne pas être seul, envie de s’amuser, de rencontrer des gens). Il est d’ailleurs assez rare que les êtres humains écoutent de la musique en l’absence de contexte. Ces contextes peuvent être aussi bien sociaux (soirées avec un groupe d’amis, concerts, commémorations, manifestations culturelles) que purement émotionnels (recherche d’un état de bien-être, de mélancolie ou de joie).
Pas étonnant alors que certains aient ajouté à ces vertus un impact créatif et persuasif, l’inspiration et l’expressivité de la musique excitant leur imagination. Des scientifiques étudient même son efficacité à des fins thérapeutiques : la musique pourrait aider dans le traitement de certains dysfonctionnements psychologiques !
En attendant, la musique est une source inépuisable d’induction émotionnelle et elle a la capacité d’exprimer les sentiments autant qu’elle les inspire. Au-delà de cette approche, voyons simplement en elle une source de plaisir inépuisable et profitons au quotidien de son action préventive reconnue. Cela est sûrement l’un des meilleurs moyens de nous prémunir contre son hypothétique aptitude curative.
T. HERVÉ - 10/2005
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Éditorial Novembre 2005 N° 23 |
Longtemps, le prix élevé du disque compact fut justifié par l’importance de son coût de fabrication. À sa sortie, au printemps de l’année 1983, il était d’environ 4 euros. Ce prix était justifié par le financement et la construction d’usines de pressage devenues nécessaires pour subvenir à une demande de production sans cesse croissante. Aussi, au départ, cette technologie de pointe mal maîtrisée conduisit à un nombre important de disques défectueux. Cela alourdit les prix de vente qui étaient alors deux à trois fois plus élevés que ceux d’un disque vinyle de 30 cm.
Quelques années plus tard, les techniques de production s’améliorant, le coût de fabrication du disque chuta de manière significative. C’est alors qu’apparut sur le marché un nombre croissant de séries économiques exploitant les fonds de catalogue d’enregistrements déjà largement amortis. La surenchère promotionnelle conduit même des hypermarchés à proposer des disques de musique classique à moins d’un euro. La multiplication de ces offres à prix réduit amena légitimement les consommateurs à se poser quelques questions sur une telle disparité, d’autant que dans certains pays étrangers, les prix étaient deux à trois fois moins élevés qu’en France. Cela ne faisait qu’ajouter à la confusion générale et en à peine une décennie, le disque compact a vu son statut passer progressivement d’objet symbole de haute technologie à celui d’un produit de grande consommation.
Actuellement, la fabrication physique d’un compact disque représente généralement 14 % du coût de fabrication et s’établit à environ 1 euro, soit 4 % du prix public. Alors pourquoi devons-nous le payer encore plus cher qu’à ses débuts malgré une baisse de la TVA en 1987 de 33 à 18,6 % ?
Il faut savoir que d’un disque à l’autre, les frais varient et que chacun est un cas particulier. Pour une maison de disques, il paraît évident que l’engagement financier pour produire les Fantaisies pour flûte de Telemann ne sera pas le même que pour le Requiem de Berlioz. Sachons aussi que les droits d’auteur pour les enregistrements de musique classique sont souvent inexistants, car beaucoup d’œuvres font partie du domaine public. Néanmoins, et afin de savoir où va notre argent, il convient de donner quelques chiffres à titre indicatif, tous styles confondus.
La distribution représente plus de 20 % du coût total de la fabrication d’un disque compact. La distribution implique le packaging et le transport entre l’usine de fabrication et le distributeur ou détaillant. Ces coûts élevés s’expliquent par le faible nombre d’usines de fabrication dans le monde et par conséquent par les longues distances qui séparent l’usine du distributeur. De plus, la marchandise est souvent exigée dans un délai très court. Autre budget conséquent, le marketing, qui en représente 15 %. Les activités qui y sont liées comprennent les publicités télévisuelles et la presse, les événements promotionnels, la préparation de vidéos et les relations publiques. Restent les frais d’enregistrement, les redevances d’artistes et les frais généraux. À ces coûts de fabrication, il convient de rajouter la marge du revendeur qui la calcule en multipliant le prix de gros par 1,5 environ, sans oublier les taxes de l’État qui s’élèvent à 18,6 %.
Si la diminution des coûts de fabrication, comme on aurait pu l’espérer, n’a pas eu l’impact escompté sur le prix de vente, il faut reconnaître que des progrès significatifs ont été accomplis sur le rallongement de la durée moyenne des enregistrements, et quoique pour certains, il soit devenu une simple marchandise, votre présence sur ce site démontre que pour d’autres, il demeure un bien culturel.
T. HERVÉ - 11/2005
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Éditorial Décembre 2005 N° 24 |
De nos jours, l’électricité est une source d’énergie tellement banale, qu’on ne se demande même plus si elle est conforme au contrat qui nous unit avec son producteur. Et pourtant, depuis sa sortie des centrales thermiques, hydrauliques ou nucléaires, jusqu’à la prise secteur qui alimente notre chaîne haute-fidélité, le courant électrique va subir sur son trajet un nombre croissant de perturbations qui vont entacher sa belle sinusoïde de départ.
Pour bien comprendre ce qui se passe sur les kilomètres qui nous séparent de sa source, il faut se représenter le réseau électrique comme un gigantesque récepteur capable de capter une foule d’ondes électromagnétiques en provenance d’émetteurs radio, mais aussi de se charger de nuisances occasionnées par la simple proximité d’éléments perturbateurs, sans contact réel avec lui. C’est ce que l’on appelle les phénomènes d’induction. De plus, chaque équipement électrique raccordé au réseau va injecter ses propres parasites, d’autant plus que nos appareils actuels sont de gros pollueurs. Qui ne possède pas chez lui un éclairage à lampe halogène avec graduateur de lumière ? Aussi, les propres éléments de notre système audio peuvent se contaminer mutuellement. Le numérique qui fonctionne à haute fréquence, plus que tout autre. Malgré les normes CE en vigueur qui impose aux fabricants de matériels électriques des règles strictes pour lutter contre l’émission de parasites, cette pollution est chaque jour de plus en plus importante.
Deux menaces supplémentaires sont apparues récemment au sein même de nos habitations. La première repose sur la technologie de liaison sans fil, appelée WiFi, qui consiste à créer un réseau hertzien (ondes électromagnétiques) pour l’échange de données informatiques entre différents postes. Encore plus pernicieuse, la deuxième répond aux mêmes besoins, et se définit comme une solution complémentaire ou alternative au réseau filaire traditionnel (Ethernet) et au WiFi. Elle se nomme CPL (Courants Porteurs en Ligne). Son principe consiste à superposer au courant 50 Hz un autre signal à plus haute fréquence (bande de 1,6 à 30 MHz) et de faible énergie. Ce deuxième signal utilise le réseau électrique existant de nos logements et peut être reçu et décodé à l’aide d’un récepteur CPL branché sur n’importe quelle prise murale.
Bien sûr, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne. Ceux d’entre nous qui habitent en campagne seront peut-être davantage confrontés aux variations de tension, guère appréciées par les amplificateurs à tubes, tandis que ceux qui habitent à proximité d’industries attendront le soir avec impatience pour écouter leurs disques dans les meilleures conditions. Car ce n’est pas une vue de l’esprit que d’affirmer que la qualité du courant électrique joue un rôle non négligeable sur l’écoute. En fonction du système et des moyens mis en œuvre, son amélioration se traduira entre autres par une meilleure lisibilité du message sonore et par une image plus spacieuse. Les différences pouvant devenir flagrantes dans certains cas. Rappelons-nous l’époque pas si lointaine où certains audiophiles avaient mis en évidence les différences notables à l’écoute entre les câbles d’enceintes. Les plus septiques d’alors eurent tôt fait de changer leur scindex pour le remplacer par un câble adapté.
Cela pour dire qu’il faut désormais considérer le secteur comme un maillon à part entière. Son optimisation passera tout d’abord par le remplacement des câbles d’alimentation qui équipent d’origine nos appareils, à commencer par les sources numériques, beaucoup plus sensibles que les autres aux influences du secteur. Même si en théorie le sens de branchement n’a aucune importance, la pratique nous révèle le contraire. Selon les systèmes, la différence sera plus ou moins audible, mais par principe, on veillera à déterminer la bonne orientation de la prise. Il est fortement conseillé d’utiliser le même modèle pour équiper le reste de son système. Les plus perfectionnistes relieront directement leur installation au compteur par une ligne spéciale de grosse section.
Pour ceux qui doutent encore, parlez-en à votre revendeur, il se fera un plaisir de vous prêter le nécessaire. Le seul risque que vous preniez, c’est de devoir ensuite sortir votre chéquier, car l’essayer c’est l’adopter. Là aussi, c’est une question de bon sens.
T. HERVÉ - 12/2005
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