Tout récemment, le deuxième volume de l’Intégrale Debussy de Jean-Efflam Bavouzet fut pour moi l’occasion d’attirer votre attention sur l’un des projets en cours les plus exaltants (voir ici). Aujourd’hui, la sortie du troisième est une trop belle opportunité pour ne pas enfoncer le clou. Déjà, lors de la parution du premier volume, son sens musical très sûr eut sur moi l’effet d’une véritable séquestration. Au début, habitué à d’autres traitements, les choses n’ont pas été faciles, car le Debussy que je fréquentais jusqu’alors était moins preste. Seulement, le Debussy de Bavouzet est tellement pétillant que mes conditions d’otage se sont très vite améliorées. En effet, comment pourrait-on rester insensible à de telles revendications artistiques ? Bien que parfois ses choix puissent dérouter, son toucher, puissant, mais subtil, captive immédiatement. Le ton qu’il adopte est plus viril que bien d’autres interprétations, dont la sonorité « boîte à musique » infantilise et finit par endormir rapidement l’auditeur. Toujours à la recherche du bon rythme, si notre kidnappeur affectionne la rapidité (Suite bergamasque), c’est pour ensuite mieux commenter la lenteur (La plus que lente). Dans les pièces majeures comme dans celles de moindre importance, son jeu, d’une constance implacable, est héroïque et témoigne d’une authentique sincérité : Children’s Corner est interprété sans ostentation, tandis que Berceuse héroïque s’affiche sans confusion. En moins de trois albums, son style debussyste a fait de moi un captif compatissant et complaisant. Parfait exemple du syndrome de Stockholm, ce disque ralliera sans peine tous ceux qui ont succombé aux précédents.

T. HERVÉ - 09/2008